Kamel Daoud
Actes Sud Editions
août 2017
336 p.  21 €
ebook avec DRM 8,49 €
 
 
 

l  e   c  r  i  t  i  q  u  e   i  n  v  i  t  é   

Michel Abescat (Télérama) a choisi
« Zabor ou Les psaumes» de Kamel Daoud (Actes Sud).

Difficile d’imaginer plus fervente déclaration d’amour à la littérature. Le texte vibre dès les premières lignes, singulier, intime, volontiers lyrique. « Ecrire est la seule ruse efficace contre la mort », confie d’emblée le narrateur. « Les gens ont essayé la prière, les médicaments, la magie, les versets en boucle ou l’immobilité, mais je pense être le seul à avoir trouvé la solution : écrire. » Le reste suit, récit envoûtant d’une initiation qui emprunte au réalisme magique et au conte oriental façon « Mille et une nuits ». L’histoire d’un jeune homme de trente ans, Zabor, rejeté par son père, élevé à l’écart d’un petit village aux portes du désert. Et qui découvre, à l’adolescence, un pouvoir extraordinaire, celui de repousser la mort de ceux qui l’entourent, vieillards et malades. Il suffit pour cela qu’il couche leur histoire sur le papier.

Après « Meursault, contre enquête » qui l’a fait connaître dans le monde entier, hommage déjà à la littérature puisqu’il donnait un nom et une histoire au personnage de l’Arabe mis en scène par Camus dans  « L’étranger », Kamel Daoud, journaliste et écrivain algérien, revient au roman de manière très personnelle. Car ce nouveau texte est au plus près de lui, de l’enfant qu’il fut, de l’homme qu’il est devenu, mise à nu subtilement pudique, autobiographie fabulée, comme un dialogue avec sa propre histoire.

« Zabor ou les psaumes » est un texte en forme de chant, qui emporte le lecteur dans le flux et le reflux de ses leitmotiv, un récit qui dessine un chemin, d’abord mystérieux puis de plus en plus clair, vers l’émancipation. Zabor découvre l’écriture, « la première rebellion », sa force liée à la mémoire : elle seule permet d’éviter l’effacement des êtres et des évènements. A travers son personnage, Kamel Daoud dit ainsi magnifiquement sa foi dans les livres, instruments de sa liberté, qu’il oppose aux Livres sacrés, ceux qui prétendent tout dire et avoir le dernier mot. Il dit aussi sa découverte de la langue française qui fut pour lui, né en 1970, une génération après ceux qui luttèrent pour l’indépendance de son pays, synonyme non de domination, mais de libération.

« Pourquoi vous écrivez ? », la question est souvent posée aux romanciers. « Zabor ou les psaumes » est une formidable réponse, aussi puissante que singulière.

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