Baroque sarabande
Christiane Taubira

Philippe Rey
avril 2018
173 p.  9,80 €
ebook avec DRM 5,99 €
 
 
 
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nuit blanche

BAROQUE SARABANDE de Christiane Taubira

Christiane Taubira, née à Cayenne en Guyane, dans une famille modeste, est entrée en politique en 1993 en étant élue députée. Puis nommée Garde des Sceaux lors de la présidence de François Hollande, entre 2012 et 2016, elle a côtoyé un certain Emmanuel Macron alors dans le domaine de l’Économie.
Mais pour bien marquer son désaccord politique sur le sujet de la déchéance de nationalité des binationaux français (entre autres), elle claque la porte en janvier 2016. Il faut signaler aussi qu’elle avait également été largement caricaturée de façon indigne.

Après plusieurs ouvrages, en commençant par « Mabula Taki » (1995), avec la sortie de son tout dernier livre « Baroque sarabande », c’est l’occasion pour elle d’évoquer son jardin secret, la littérature, la lecture, l’amour de « la langue ». Dans ce récit autobiographique elle parle de cette passion dévorante mais c’est aussi l’Histoire des opprimés.

On apprend que c’est sa mère qui lui a inculqué le goût de lire. On peut lire en page 126 : « Et puis il y a tous ces livres que me ramène Maman. Des Club des Cinq, des Clan des Sept, des Dumas fils, des Conan Doyle, Le Livre des Merveilles de Marco Polo, Moby Dick… Elle y ajoute les magazines de la salle paroissiale et bientôt un abonnement à France Loisirs. Des livres mais aussi des revues, des brochures, pourvu qu’il y ait quatre lignes à lire. »

Elle nous avoue aussi : « Assez folâtré. Il est temps que je vous dise.
Et d’abord, balisons.
Dans Cayenne des années cinquante, il n’existe pas de librairie. Une papeterie fait vente de livres un mois par an, le temps de liquider les manuels scolaires ». (page 125)
Elle reconnaît avoir emporté une valise en carton, pleine de livres. Quand elle déballe sa bibliothèque pour son retour dans son pays, il y a vingt-deux cartons déménagés : « trésor accumulé pendant mes années d’études, (…) acheminés en Guyane par bateau aux frais de mon beau-frère, premier cadeau de mon retour au bercail ». (page 134).
Lorsqu’on l’interroge, elle est intarissable, c’est un cri d’amour plein de sensualité qu’elle lance vers les livres, les écrivains, les poètes, les chanteurs.
Elle dévoile aussi s’être privée de repas, dans sa jeunesse, pour s’acheter des livres.

Son récit commence par cette explication : « C’était, je crois, pour échapper au bruit. Ce fut pour la langue. Et pour le temps. Cette sensualité de la présence dans l’instant. Lire. Voir d’abord. Puis toucher. Plonger. » (page 9) et elle raconte avec ardeur.

Il est impossible de citer tous les écrivains qui l’ont passionnée, qui continuent à le faire, mais on peut dire par exemple, que l’on passe d’Aimé Césaire à Léon-Gontran Damas – d’ Édouard Glissant à Toni Morrison, Salvat Etchart, Rezvani. Elle cite aussi bien Émile Zola qu’Asia Djebar, Joseph de Maistre, Jules Romains, Céline, Alphonse Daudet, René Char ou Nina Simone. Il en est tellement d’autres que c’est mission impossible d’évoquer tous ceux qui lui ont inspiré « un amour érotique de la langue ». Certains l’ont déçue et elle le dit franchement, pas de langue de bois avec elle, c’est clair et net.

Au cours des entretiens qu’elle donne, elle est capable de réciter de longs poèmes en entier, de mémoire et quelle mémoire. Non, elle n’a rien oublié. Tout reste bien ancré dans l’esprit de cette écrivaine passionnée qui démontre « noir sur blanc », par petites phrases cet amour qui l’habite. Elle fustige les puristes, donne des lettres de noblesse à toutes les langues qui cohabitent avec le français.

Elle en profite aussi pour parler de quelques déceptions dans le chapitre : « Fleurs toxiques ».
Pour Christiane Taubira « On ne peut pas être le président de ce pays sans aimer la littérature ». Mais elle en veut aussi à certains personnages politiques (dont Manuel Valls) et bien qu’elle ait été accusée de laxisme, elle a mené jusqu’au bout sa réforme pénale ainsi qu’une loi contre le harcèlement sexuel. Elle a aussi soutenu le mariage pour tous et a donné sa démission en 2016. Exit la vie politique et donc plus de temps à consacrer à ses lectures, ce qui lui avait terriblement manqué durant sa carrière politique.

A présent, elle continue son militantisme tout en se laissant dévorer bien volontiers par sa passion pour la littérature.
Dans cet ouvrage de 180 pages, elle finit par : « Et dire le simple plaisir. La volupté. La félicité. Brûler d’une impossible fièvre. Lire. Toute l’énergie, la passion, le bien-être et le tourment d’une vie ardente ».

Sont joints également les « Sources bibliographiques et discographiques des citations », car il faut le dire, la musique est également très présente.

Voici donc un ouvrage étonnant, décoiffant où l’auteure n’est que « passion ». , elle vibre. Pour notre plus grand plaisir elle dit ce qu’elle pense et tant pis si ça ne plaît pas à tout le monde.
J’aurais tant aimé en dire plus sur « Baroque sarabande » mais ce n’est pas possible. Il faut le lire pour comprendre tous les sentiments qui y sont décrits et admirer la culture formidable de cette ancienne Ministre, une des rares à avoir autant de connaissances littéraires et à les mémoriser pour nous en faire part dans des ouvrages qui lui valent chaque fois un franc succès.

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