California Dreamin'
Pénélope Bagieu

Gallimard Jeunesse
hors serie bd
septembre 2015
276 p.  24,90 €
ebook avec DRM 16,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une super Mama

Si le nom de Mama Cass Eliott ne vous dit pas grand-chose, vous ne pouvez ignorer « California dreamin’» cet inoubliable morceau pop-psychédélique du groupe The Mamas & The papas classé parmi les « 500 plus grandes chansons de tous les temps » selon le magazine Rolling Stone. Plusieurs générations se sont déhanchées furieusement dessus…

En dehors de sa mélodie, ce tube sorti en 1965, doit beaucoup à l’une des deux chanteuses, Mama Cass Elliot qui était véritablement l’âme du groupe. D’ailleurs, elle fera une carrière solo dont le grand classique est l’inoubliable « Dream a little dream of me ». C’est à cette fille, née Ellen Naomi Cohen, et qui était jugée par beaucoup comme «  Trop grosse, trop présente, trop tout » que Pénélope Bagieu consacre son nouvel album graphique. Elle la suit de son enfance, à Baltimore, dans l’épicerie casher de son père fan d’opéra, jusqu’à la scène musicale folk-rock, dans les années 60, à New York puis à Los Angeles.

Tout chez elle était ENORME, rien dans la demi-mesure. Et ce n’est pas cet «  immense corps encombrant » loin des clichés de la jeune première qui aurait pu l’empêcher de devenir star comme dans ses rêves d’enfant. « Personne ne peut faire renoncer Cass Elliot » dont la détermination est sans faille. Son caractère flamboyant et son humour décapant lui permettaient d’afficher et d’assumer toutes ses excentricités. Sa voix aussi puissante que vulnérable, dégageait une émotion à vous broyer le cœur. Tout cela en fait un personnage unique à qui Pénélope Bagieu taille un très beau portrait fictionné.

Pour cet ouvrage, l’auteur de « Joséphine » ou de « Ma vie est tout à fait fascinante » a abandonné son habituelle palette graphique et son style « girly » pour dessiner à main levée au crayon. Comme sur le vif, elle assume enfin qu’un trait ne soit pas droit. Ce qui lui fait gagner en sensibilité, en vibrations et en élégance aussi. Elle a pris le parti de nous raconter cette histoire de façon chorale à travers de courts chapitres où les proches  de la chanteuse révèlent une Cass Elliot plus intime.

Dans cet album truffé d’extraits de chansons, on plonge dans l’atmosphère des répétitions et des salles de concert de Greenwich village dans les années 60. Mais au-delà de l’arrière-plan musical qui répare l’injustice faite à une gloire oubliée, Pénélope Bagieu nous propose l’histoire d’une femme qui a su dépasser le handicap de son surpoids , un discriminant social puissant, pour s’imposer à contre-courant de tous les clichés du show-business. Bien plus qu’un corps obèse, Mama Cass avait surtout un cœur gros comme ça qui, suite à une crise cardiaque, s’est arrêté de battre prématurément. Elle n’avait que 32 ans. C’est un hommage sensible qui lui est rendu quarante ans plus tard. Pénélope Bagieu, qui déclarait vouloir se détacher de son image de blogueuse, acquiert enfin ce statut d’auteur qu’elle convoitait tant. Et c’est bien mérité.

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