Gramercy Park
Christian Cailleaux, Timothée de Fombelle

Gallimard Jeunesse
hors serie bd
avril 2018
104 p.  20 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Madeleine rêve

 

Gramercy Park est un minuscule lieu privé situé dans Manhattan. Affairée sur sa terrasse, Madeleine est une apicultrice du genre mélancolique. Depuis son poste aérien, elle observe cet îlot de verdure, et le voisinage. Madeleine est française d’origine, parisienne, ex-danseuse étoile tombée du ciel par amour pour Jeremiah. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1945, l’officier américain a convaincu la jeune fille de quitter la vieille Europe pour tenter l’aventure.

Malgré un total désaccord du directeur de l’Opéra pour la laisser partir, mais avec la bénédiction de son grand-père, sa seule famille, Madeleine suit son homme outre-Atlantique et découvre « The Big Apple » à travers le hublot de sa cabine. La cagnotte constituée durant le service militaire fondant, peu à peu, un vilain mari remplace le gars charmant. Jeremiah Whitman retrouve alors les réflexes meurtriers acquis pendant le conflit et les transpose dans le monde interlope de la nuit new yorkaise. Des activités illicites qui le détournent chaque jour davantage de sa femme. Un matin où il n’est pas rentré, Madeleine le retrouve à la morgue.

Étrangère, sans travail stable, la jeune veuve cherche la consolation. D’abord, elle rachète son bail pour l’exploitation des ruches sur le toit, pour s’occuper des abeilles, prendre de la hauteur. Madeleine observe. Juste en face, de larges fenêtres lui permettent de pénétrer l’intimité de son vis-à-vis. Celui qui ne quitte le domicile qu’une fois par semaine, le dimanche à 11 heures. Après plusieurs mois, lorsque l’inspecteur Angelino lui demande de le renseigner sur cet étrange voisin, elle comprend que le moment d’agir est venu.

« Gramercy Park » marque la première collaboration entre Timothée de Fombelle et Christian Cailleaux. Telle une abeille urbanisée, le scénario de De Fombelle survole New York et brode une histoire tiraillée entre polar et sentimentalisme, dont le dénouement justifie la lecture. La consolation se trouve du côté de Cailleaux. Depuis sa production déjà ancienne, aux éditions 13 étrange, en passant par ses divers ouvrages avec l’acteur Bernard Giraudeau (R97) ou ses biographies détournées de Jacques Prévert et de Boris Vian avec Hervé Bourhis, sans oublier son formidable triptyque, « Les Imposteurs », Cailleaux recompose ce New York des années cinquante. De l’infini de la ville contemplée depuis les toits aux séquences plus intimes, la finesse de son trait autorise de nombreuses informations dans la case sans jamais charger le dessin. Expression de légèreté à laquelle contribue la mise en couleur. Cailleaux s’inspire de la Ligne Claire et lui donne une dimension subtile et originale.

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