La douceur de l'ombre: L'arbre, source d'émotions, de l'Antiquité à nos jours
Alain Corbin

Fayard
avril 2013
364 p.  23 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

A chacun son arbre

Quelle place l’arbre occupe-t-il dans nos sociétés contemporaines, citadines, surconnectées de par le monde mais paradoxalement éloignées de la nature et de leur environnement ? Une place importante si l’on en croit cet impressionnant recueil de connaissances au titre poétique, comme une invitation à la lecture champêtre. Et d’autant plus importante pour vous, chers lecteurs épris de littérature, quand on sait que le terme latin « liber » désigne à la fois cette fine pellicule située entre le bois et l’écorce, et le livre. Erudit sans jamais verser dans le traité de botanique ou d’économie forestière, La douceur de l’ombre nous incite à repenser les liens unissant l’homme et l’arbre, à l’aune des siècles et des pratiques culturelles. L’arbre apparaît ainsi comme une figure récurrente dans le folklore populaire, que l’on pouvait enlacer, embrasser, vénérer, jusqu’à la dendrolâtrie, le rite païen d’adoration de l’arbre. Le clergé vient remettre un peu d’ordre dans tout cela à partir des XIe et XIIe siècles, faisant abattre des centaines d’idoles, redirigeant les brebis égarées vers l’Eglise. Il faut dire que, depuis toujours, l’arbre fascine : enraciné dans une temporalité différente de celle des hommes, vaisseau paisible à l’assaut des siècles, il représente, avec la faune et la flore qu’il abrite, un monde à part entière, habité, tantôt protecteur et bienveillant, tantôt mystérieux, sombre et hanté. Cette ambivalence se retrouve dans le domaine artistique, Les Contemplations de Victor Hugo entrant par exemple en résonnance avec le Sleepy Hollow de Tim Burton sur le thème de l’arbre-cimetière, jusqu’aux réalisations contemporaines de Giuseppe Penone, exposées au Château de Versailles cet été 2013. L’attraction perdure donc, en dépit de la domestication croissante de la nature et de sa réduction à son aspect utilitaire. Et en y réfléchissant, nous avons tous dans nos souvenirs un arbre, « notre » arbre, refuge de notre enfance que nous aimerions voir traverser les siècles à la rencontre des générations futures. Aussi, suivons la sage injonction d’Henry David Thoreau : « Ne chantons pas le jardin de l’Eden, chantons le nôtre. »

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