Rois d'Alexandrie
José Carlos Llop

Actes Sud
Chambon Littérature
février 2018
205 p.  20,80 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
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coup de coeur

Espagne des seventies

Après le magnifique « Solstice » où il revivait les étés de son enfance, José Carlos Llop poursuit son travail mémoriel avec un récit de sa jeunesse qui coïncida avec les années 1970, la mort de Franco et le « Flower Power » ibérique. De Palma de Majorque où il est né, jusqu’à la Barcelone des études, voici l’épopée d’une jeunesse faite de l’étoffe de ses rêves.

Lorsqu’il entend pour la première fois Bob Dylan sur son île des Baléares au milieu des années 1970, l’adolescent l’assimile à « l’ange de l’Annonciation », première épiphanie concomitante de l’autre révélation qu’est la poésie, avec son chantre Ezra Pound. Sexe, drogue, rock et poésie, pantalons à pattes d’éléphant, tissus fleuris, filles nues, voilà la vie bohème de la bande de jeunes gens qui vénèrent Hendrix, les Rolling Stones, Eric Clapton, Cavafy, Whitman et Ginsberg. Quand vient le temps de l’université à Barcelone, le champ s’élargit encore avec Barthes et les « Cahiers du cinéma », et la capitale catalane est propice à l’errance nocturne. Fumant du hasch jusqu’à l’aube dans les vapeurs d’encens, on se réveille dans des maisons vides ou des appartements inconnus avec parfois l’amour dans les bras.

Pour autant, cette bulle extatique ressent les secousses du monde : la mort de Franco, les manifestations sanglantes, les Brigades rouges en Italie, les années de plomb en Allemagne, et bientôt l’arrivée d’une autre drogue qui tue, comme le sida. La fête est finie, la musique est moins forte, mais la découverte de Patrick Modiano éblouit José Carlos Llop qui voit dans « Villa triste » la brume succéder à la légèreté. Ainsi restent les mots, les histoires échangées, les nuits somnambules et un vieux désir de partance. Contre la négation du passé et l’oubli dont son pays a fait une vertu, ce récit revendique une vie antérieure de Peau-Rouge, de roi d’Alexandrie avec pour sceptre la musique et pour couronne la poésie. Magnifique !

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