Adam et Thomas
Aharon Appelfeld

L'Ecole des Loisirs
medium
mars 2014
150 p.  15 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

Vivre, malgré tout

« Tu connais parfaitement la forêt et tout ce qu’elle contient » : les mots de la mère reviennent à l’esprit d’Adam lorsqu’il a faim, qu’il a froid, ou qu’il est triste. Oui, Adam connaît bien cette nature. Avec ses parents, il s’y est déjà rendu plusieurs fois pour des promenades, instants de plénitude et de bonheur partagé. Mais ça, c’était avant, avant la guerre, avant le ghetto et les rafles allemandes. Aujourd’hui, il est seul, avec son sac sur le dos, dans lequel sa mère lui a mis des vivres, de quoi subsister pendant quelques jours… mais pas plus. Il va retrouver Thomas, un enfant de sa classe que sa mère a laissé, comme Adam, en plein cœur de la nature.

« Adam et Thomas », premier roman jeunesse du célèbre écrivain israélien Aharon Appelfeld, raconte l’histoire de deux garçons juifs de neuf ans, abandonnés à l’orée du bois pour échapper au danger. A l’origine, une promesse commune de leurs mères: celle d’être de retour très vite, probablement à la tombée du jour. Mais les enfants ont beau attendre et espérer, elles ne revient pas. Alors l’entraide, la débrouille, surpassent vite le doute et l’angoisse. Les deux garçons comprennent rapidement qu’ils doivent se cacher et qu’ils ne seront à l’abri qu’en hauteur. Sur une idée d’Adam, ils construisent un nid au sommet d’un grand arbre : ce refuge, seule protection contre le froid et les rafles, deviendra peu à peu leur maison. Les jours, les mois, les saisons passent, et avec elles la pluie, le froid, le vent, la neige, même. Les deux garçons vivent dans une nature préservée de l’horreur, et au plus profond de la forêt, trouvent encore la force de se déplacer pour se nourrir. Ils subviennent à leurs besoins, mangent des fruits des bois, et sont aidés par des paysans. Un jour, le chien d’Adam les retrouve. Plus tard, une petite paysanne, leur camarade de classe, les nourrit clandestinement. Mina, tel un ange tombé du ciel, veille sur eux.

Sans aucun doute les deux personnages sont deux facettes de la personnalité de l’écrivain, deux parts de lui même : Adam est spontané, déterminé, débrouillard, il connaît la nature et sa finesse, les sauve plus d’une fois ; tandis que Thomas est plus pragmatique, plus réfléchi, plus introverti aussi. Premier de classe, il a souffert des moqueries de ses camarades, mais ici, dans la forêt, Adam le protège. Du haut de leurs neuf ans, ils se posent à haute voix des questions essentielles, métaphysiques, auxquelles ils ne répondent pas toujours. Mais le fait de les poser simplement amène déjà le jeune lecteur sur le chemin de la réflexion.

Comme ses héros, Aharon Appelfeld s’est réfugié, enfant, dans les bois, après sa fuite d’un camp de concentration. Avec justesse, il dit la peur et le manque de nourriture, la solitude, le doute, l’angoisse, mais surtout l’espoir, cette confiance inespérée que ces enfants placent dans la nature, cette croyance inébranlable en la promesse de leurs mères, et surtout l’amour qu’ils leur portent. En écrivant cette incroyable histoire sous forme de conte, l’auteur refuse la tristesse, la repousse aux limites de la forêt. C’est un roman sur l’amitié, l’entraide, la confiance, le courage. Les illustrations de Philippe Dumas illuminent la lecture, les rires des enfants, porteurs d’espoir, résonnent longtemps à nos oreilles. Inlassablement, tous deux rêvent que leurs mères reviennent les chercher, et cette douce illusion leur permet d’échapper, un court instant, à la folie humaine. 

Lire l’interview de Aharon Appelfeld par Mathilde Dondeyne

partagez cette critique
partage par email
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

La survie en forêt de deux enfants juifs

Alors que la guerre gronde, monstre terrifiant, que les arrestations s’enchaînent, dures et violentes dans le guetto, une femme arrive à la lisière d’une forêt tenant par la main son petit garçon. Les premières lueurs de l’aube apparaissent. Leur marche vive et silencieuse s’achève là. Cette mère s’apprête à livrer son enfant à la forêt, lieu protecteur  : « Aie confiance, tu connais la forêt et tout ce qu’elle contient » dit-elle à Adam, en lui promettant de revenir le chercher avant la tombée de la nuit. Mais elle ne reviendra pas. Pas ce soir-là…
Adam n’a pas peur de cet endroit, il le connaît bien pour l’avoir parcouru de nombreuses fois avec ses parents et son chien Miro. Il aime la nature, les animaux, les rivières, adore grimper aux arbres. C’est un garçon débrouillard et rusé. Peu de temps après son arrivée, il rencontre un camarade de classe, Thomas. Lui aussi a été laissé par sa mère à l’orée du bois.
Ses enfants, de caractères opposés (Thomas est réservé, impressionnable, introverti, rêveur… et comme son père il croit en l’homme et non en Dieu alors qu’Adam a la foi), vont pourtant se soutenir et se rassurer l’un l’autre. Car les jours et les mois vont se succéder, l’été va laisser sa place à l’automne et le froid de l’hiver va s’installer.
Grâce à aux réflexions de l’un et à la ruse de l’autre, les deux garçons construisent un nid sur un arbre afin de ne pas être vus, cherchent et trouvent à manger et à boire, parlent beaucoup, s’échangent leurs sentiments, leurs idées et autres points de vue sur la vie en générale, sur la religion, sur la guerre, sur son origine, sur l’identité juive, sur les amimaux et sur l’homme et ses motivations…
Quand le moral d’Adam et Thomas commence à décliner à cause du froid et du manque de nourriture, Miro débarque auprès d’eux, tel un ange tombé du ciel. L’animal leur apportera un grand réconfort.
D’autres personnages traversent le roman comme Mina, une petite fille cachée chez des paysans (qui la maltraitent), affaiblie et mutique, elle déposera régulièrement à manger au pied de l’arbre abritant le nid des garçons. Un homme nommé Serguei leur donnera aussi de la nourriture. Adam et Thomas entendrons et/ou verront plusieurs fugitifs courir à travers la forêt ainsi que leur ancien professeur de musique…
Ceci est un conte, l’issue n’est donc pas cruelle. L’armée rouge est en marche. Les mamans finiront par revenir chercher leur enfant.
Aharon Appelfeld a souhaité que la fin soit heureuse. Il a voulu préserver ces enfants. Voilà ce qu’il confie à Valérie Zenatti lors d’un entretien : «  J’avais huit ans lorsque la guerre a éclaté. Ma mère a été assassinée par les Nazis, j’ai été déporté avec mon père dans un camp dont je me suis échappé en me faufilant sous les barbelés. Je me suis retrouvé seul dans la forêt, responsable de ma propre survie. Une situation sortie droit d’un conte, même si c’était ma réalité. Chaque matin, à mon réveil, j’espérais que le contre prendrait fin par magie. Je me disais : Si j’aperçois maintenant un cheval noir, mes parents reviendront. ».
Roman, conte ou semi-autobiographie, ce livre est un petit bijou d’intelligence, de justesse, de poésie et d’émotion. À travers une écriture humble et lumineuse, l’auteur évoque la survie de deux garçons juifs de neuf ans dans une forêt en pleine seconde guerre mondiale, leur courage, leurs peurs, leur audace, leurs questionnements… Quant aux illustrations de Philippe Dumas, avec la légèreté de son trait et ses couleurs claires et translucides, elles déposent au fil des pages une infinie douceur et beaucoup de délicatesse.
Retrouvez Nadaël sur son blog  

partagez cette critique
partage par email