Cheval océan
Stéphane Servant

Actes Sud Junior
mai 2014
57 p.  9 €
ebook avec DRM 5,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Histoire d’une jeune fille blessée

 Au bord de l’océan, Angela crie sa rage. Face à l’immensité, ce qu’elle appelle le « cheval océan », ce monstre d’écume semblable à l’animal indomptable, la jeune fille se libère d’un poids énorme. Sur cette plage du Portugal, le soleil n’est pas encore levé. Les pieds dans l’eau, la jeune fille s’adresse à quelqu’un. Mais qui ?

Avec une grande liberté de ton, Stéphane Servant crée une atmosphère pesante, dans un contexte impitoyable. Ses mots tranchants portent l’extrême fureur d’une jeune fille indignée. Après ce qu’elle vient de vivre –et nous ne le saurons qu’à la fin, mais nous nous en doutons déjà- Angela n’avait d’autre choix que de partir loin des siens. Désormais seule au monde, abandonnée de tous, son monologue incessant fait s’élever les voix de ses proches : de sa grand-mère, d’abord, qu’elle a enterrée il y a peu, et qui lui manque atrocement. C’est bien elle qui lui avait donné envie d’aller voir l’océan, grâce à elle qu’Angela contemple l’immensité au moment où elle parle. Puis de Naïma, l’amie perdue, qui a pris un autre chemin, et celle de ses parents, qui ont baissé la tête, refusant la vérité, et puis la voix, enfin, de Benjamin, son premier grand amour, qui s’est détourné d’elle. Sans plus aucun soutien, la jeune fille est partie. Elle a pris le train, parcouru des kilomètres jusqu’à cette plage, un désert de sable fin, là où l’océan gronde, où la marée monte, où les vagues s’écrasent avec fracas. Là où tout n’est que rage. « Ma voix enfle comme une grande marée que rien ne pourra stopper » : qu’elle hurle ou murmure, sa colère est la même. Ses larmes se mêlent à l’eau salée.

Mais quand il semble ne plus y avoir aucun espoir, c’est la rage de vivre qui prend le pas sur la douleur. Seule contre tous, la jeune fille soulève des questions délicates : le regard des autres, l’incompréhension, le rejet de ce qui fait peur, l’amitié, le sacrifice, la honte et l’humiliation. En racontant cette histoire, l’auteur fait de l’héroïne le symbole des femmes blessées, meurtries, ravagées par la colère, le chagrin, la honte. Ses paroles dénoncent, accusent, bouleversent. C’est un torrent de mots, pour dire l’indicible. 

partagez cette critique
partage par email