La Chanson d’Orphée
David Almond

Gallimard Jeunesse
romans ado etra
janvier 2018
288 p.  15 €
ebook avec DRM 10,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

A la frontière du réel

Un don merveilleux : la musique ; une vertu implacable : la beauté. Entre Orphée et Eurydice, c’est l’amour fou, du premier au dernier jour. Mais un serpent, une piqûre, et c’est la descente aux Enfers. Eurydice meurt, tandis que son bien aimé descend la rechercher, après avoir charmé le monstre, à une condition – celle d’Hadès – : la reprendre, sans jamais se retourner. Au seuil de la porte, il la contemple, et sa belle le quitte une deuxième fois, pour l’éternité. Commence alors une errance effroyable, de plaintes et de gémissements, que la lyre retranscrit sans relâche et pour la nuit des temps…

Dans ce nouveau roman de David Almond, le mythe universel, que chacun connaît est revu au goût du jour : ici, Eurydice est Ella Grey, une jeune lycéenne, qui tombe instantanément sous le charme du mystérieux Orphée. L’histoire, racontée par Claire, la meilleure amie d’Ella, se déroule dans l’Angleterre contemporaine ; Orphée apparaît une première fois, sur la côte britannique, alors que les jeunes gens sont tous rassemblés pour les vacances de Pâques. Ils boivent du vin, se baignent dans l’eau, se sentent libres et heureux, sans entrave. Mais Ella n’est pas là –ses parents lui ont interdit le séjour- et sa meilleure amie Claire, travaille sur ses poèmes, un peu à l’écart. Ils entendent alors une étrange mélodie, comme une musique qui s’insinue dans leurs cœurs et dans leurs têtes, à l’unisson : c’est Orphée, un jeune inconnu, un voyageur vagabond qui charme les hommes et les animaux, en chantant et en jouant sur un instrument de fortune, fabriqué. Inévitablement, les vacances se terminent, mais Orphée revient, cette fois pour arracher Ella au lycée : leur amour commence, et prend en un rien de temps, un aspect irréel, puissant, tragique, comme s’il les prédestinait à un sort funeste.

D’une écriture poétique et sincère, David Almond retrace la légende en s’inspirant, réécrivant, sublimant, lui donnant une tournure singulière, que seuls les adolescents comprennent encore peut-être : le coup de foudre authentique, la peur terrible de ne pas être aimé en retour, l’amour passionnel et sans détour. Il fait confiance au lecteur et l’emmène dans un monde à la frontière du réel, puisque dans cette Angleterre romanesque manquent les adultes, les repères, les règles. En lui faisant s’éprendre, d’une telle force, d’un adolescent qu’elle ne connaissait pas, l’auteur, par le biais de son héroïne rêveuse, happe le jeune lecteur jusqu’à la fin.

 

 

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