À la légère
Michel Déon

Recueil de nouvelles
Réédition
Folio
avril 2013
128 p.  6,30 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

L’éternel féminin

C’est une drôle d’idée qu’ont eue les éditions Finitude de dépoussiérer ces cinq nouvelles à l’allure fifties, rétro à souhait, pour ne pas dire « datées », de l’aveu même du principal intéressé. Michel Déon faisait alors son entrée sur la scène littéraire par la petite porte, celle du genre court, très prisé  à l’époque par les journaux et les magazines féminins comme « La Parisienne », « Ici France » ou le « Figaro littéraire ». « A la légère » n’en donne pas moins le ton de l’œuvre foisonnante à venir, marquée par les voyages, le goût de vivre et, bien entendu, les femmes. Car il est ici beaucoup plus question du beau sexe que de son pendant masculin, en retrait, souvent lâche et désabusé, parfois cruel, face à ces pimpantes demoiselles, aventurières ou fausses ingénues, qui ont toutes ceci en commun : l’amour. Et comme les femmes qui aiment sont dangereuses, on devine dès les premières lignes que la fable ne sera pas exempte de victimes… Mais qu’on se rassure, la chute ne laisse pour autant place à une quelconque morale, seule la badinerie triomphe, et c’est jubilatoire!

Ces « danseuses », comme aimait les appeler son auteur,  sont  l’oeuvre d’un homme à l’aube de la quarantaine, encore trop jeune pour être amer, mais déjà nostalgique de son âge d’or et de ses belles années. D’où cette grâce nonchalante et mélancolique qui s’échappe du texte, ce sentiment diffus qui laisse songeur. Constance, Geneviève, Patsy Rose, Maria et la belle Agnès, qui aime se baigner nue chaque matin, toutes ont un secret que le narrateur trop curieux entend démêler, au risque de se perdre… Et n’est-ce pas délicieux de se perdre dans les décors enchanteurs de Formentera, du lac Léman, d’une plage d’Espagne ou des rues parisiennes? A l’écran, les héroïnes de ces cinq courts-métrages prendraient les traits d’une Audrey Hepburn, d’une Jean Seberg ou d’une Delphine Seyrig, parfaites incarnations de cet éternel féminin dont le mystérieux charme perdure au fil des modes et des époques, et sur lequel les hommes n’ont pas fini de s’interroger.

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