En ce lieu enchanté
Rene DENFELD

traduit de l'anglais par Frédérique Daber et Gabrielle Merchez
10 X 18
août 2014
233 p.  7,10 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Dans le couloir de la mort

Ce roman est un joyau. Il en a l’éclat, toute la dureté aussi. Car si « En ce lieu enchanté » débute comme un conte avec des chevaux d’or caracolant dans les profondeurs de la Terre, des grisegoules gesticulant, une chambre des lianes, il se déroule en fait dans le couloir de la mort d’une prison américaine.

Seul le narrateur semble en percevoir la mystérieuse beauté. Lui aussi attend son exécution. Depuis son crime, il ne prononce plus aucune parole. Qu’a-t-il commis ? La révélation ne sera dévoilée qu’à la dernière page.  Reclus dans sa cellule du « donjon », l’homme écoute, regarde et accompagne le lecteur dans cette étrange déambulation de l’univers carcéral.  S’y croisent les gardiens, les prisonniers et parmi eux les caïds, la lumineuse « dame », enquêtrice chargée de la révision des dossiers des détenus, le prêtre « déchu » et le directeur. Et parmi ceux qui attendent leur dernière heure, il y a Stricker, York et Arden, celui dont le simple nom provoque l’effroi, « le monstre de la prison ».

Qu’ils se trouvent d’un côté ou de l’autre des barreaux, les protagonistes ont tous leur part d’ombre et de grandeur, tous ont connu des abus, des morts, des viols. L’existence n’en a épargné aucun. Pourtant, de ces drames éclot parfois une grâce, car la déchéance n’est pas inéluctable, l’espérance habite les âmes, même les plus noires.

Dans ce premier roman éblouissant, Rene Denfeld offre un regard singulier sur la prison et ceux qui s’y côtoient. Pas d’empathie pour ces condamnés, aucun plaidoyer non plus pour l’abolition de la peine capitale, l’auteur s’abstient de tout jugement. Inspirée par son travail d’enquête sur les établissements pénitentiaires, la journaliste raconte juste la violence qui broie les êtres, la souffrance qui asphyxie, le mal tapi à l’intérieur de chacun mais aussi la lumière qui irradie et peut sauver. Un souffle d’une rare intensité, une humanité sans faille baignent ces pages servies par une plume poétique.

 

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coup de coeur

12000203

Ce lieu enchanté dont il est question dans ce roman, c’est le couloir de la mort d’une prison américaine. Dans ce lieu souterrain, surnommé « Le donjon », attendent des condamnés à la peine capitale. Ces hommes ont commis des actes horribles. Isolés des autres détenus, ils ne sortent jamais de leur cellule, n’ont de contact qu’avec les gardiens, le prêtre et celle qu’ils surnomment « la dame ». Cette femme est chargée par les avocats d’examiner, de fouiller les dossiers afin de retrouver un détail négligé, un élément qui pourrait peut-être permettre de faire commuer la sentence de mort en prison à vie. Du fond de sa cellule, un homme muet, jeune encore, observe tout ce qui se passe dans cet univers clos, il nous raconte aussi la terrible violence des détenus entre eux, le pouvoir des chefs de gangs obtenu grâce à la corruption de certains gardiens. Je ne cacherai pas que la lecture de ce roman a été parfois éprouvante mais la langue dans laquelle Rene Denfeld l’a écrit est si belle (coup de chapeau au passage aux deux traducteurs) qu’on ne peut que continuer à tourner les pages. L’auteur pose aussi la question : ces hommes étaient-ils des monstres dès leur naissance ou bien est-ce les maltraitances, les violences subies dans leur plus jeune âge qui les a rendus ainsi ? « Mon âme m’a quitté quand j’avais six ans. Elle a passé un rideau qui claquait au vent et s’est envolée par la fenêtre. Je lui ai couru après, mais elle n’est jamais revenue. Elle m’a abandonnée sur des matelas humides et puants. Elle m’a abandonnée dans l’obscurité étouffante. Elle a pris ma langue, mon coeur, mon esprit. Sans âme, tes idées deviennent terrifiantes. Elles prolifèrent en tumeurs effroyables……Tu es infesté par tes idées et ton âme n’est plus là pour les contrôler. » » Les monstres ont besoin d’une personne sincèrement désireuse de les écouter, eux aussi, de les entendre vraiment, afin qu’un jour nous puissions trouver les mots qui soient davantage que des cases à cocher. Alors nous pourrons peut-être faire en sorte que jamais plus n’existent des hommes comme moi. » J’avoue avoir ressenti comme un énorme coup de poing, une claque en lisant ce roman. Il m’a renvoyée à certains enfants que je côtoie dans ma pratique professionnelle, espérant du fond du coeur qu’un tel destin ne les attend pas.

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