Jusqu'à l'impensable
Michael Connelly

traduit de l'anglais par Robert Pépin
Le Livre de Poche
avril 2017
480 p.  8,40 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Connelly aime les défis

On s’est habitué à l’attendre comme un repère rassurant dans l’année polar. Le Connelly du printemps vient à point pour remplir sa mission de lecture de vacances, souvent jusqu’à l’été. Celui qui nous arrive est au croisement de deux sagas : « Jusqu’à l’impensable » réunit ses deux héros récurrents, le flic Harry Bosch et son demi-frère avocat Mickey Haller. Dans « Le Verdict du plomb » (2009) et « Volte-Face » (2012), l’auteur avait déjà confronté leurs profils si différents, l’un forgé sous l’uniforme, tout en rectitude et en scrupules, l’autre endurci au contact des criminels, habile à contourner la difficulté et à retourner une situation compromise. Au-délà de l’opposition de styles et de personnalités, cette fois, Michael Connelly se sert surtout de Haller pour amener son aîné à une transgression majeure : passer dans le camp d’en face, celui de la défense.

Une mission contre nature

L’avocat recrute l’ancien policier, désormais retraité, pour qu’il l’aide à innocenter un client accusé de meurtre. Bosch raffole des défis. Et l’inaction l’effraie à une période de sa vie où sa fille, jeune adulte, s’apprête à prendre son envol. Sa mécanique intellectuelle et ses réflexes n’ont pas eu le temps de rouiller. Il a vite fait de tirer quelques ficelles pour se faire une conviction : le client de son frère a bien été piégé et son alibi anéanti. Le vieil Harry fonce mais marche sur des oeufs : affaiblir un dossier d’accusation lui semble contre nature. Il se sent un peu traître à la cause qui l’a toujours motivé. Sa réticence vire au malaise quand il réalise qu’une équipe de policiers le surveille et contrarie son enquête. Et pas simplement parce qu’il a changé d’employeur.

Cette double inversion des rôles – l’ex-flic travaillant pour la défense et traquant d’anciens collègues – est le principal ressort de l’intrigue. Assez vite, Connelly nous fait comprendre qui a fait le coup, préférant tisser le suspense autour du mobile. Il complique ainsi la tâche de Harry Bosch, mais sans jamais sacrifier la compréhension au style, précis dans les interrogatoires et les procédures, méthodique dans la lecture d’une scène de crime ou le décryptage d’un relevé téléphonique. Le tout en soignant l’atmosphère.

Los Angeles, un personnage

A côté du duo des frères, il fait de Los Angeles un troisième personnage principal. La ville qui n’en est pas une, vaste imbrication de ghettos de riches et de pauvres, avec ses collines dans les étoiles et ses autoroutes asphyxiées. Dans ce cadre familier, où son héros donne le meilleur de lui-même, Michael Connelly le place face à un dilemme de sexagénaire : a-t-il gardé la même envie de se mettre en danger ? Il faut attendre les dernières lignes du roman pour avoir une réponse… Sachant qu’aux Etats-Unis, les libraires proposent déjà un nouveau Bosch, qui nous parviendra au prochain printemps.

 

 

partagez cette critique
partage par email