Le coeur battant de nos mères

traduit de l'anglais par Jean Esch
J'ai lu
autrement litte
aout 2017
378 p.  8 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

« Le coeur battant du monde » de Sébastien Spitzer
est le coup de coeur de La librairie Sain Pierre à Senlis
dans le q u o i  l i r e ? #79

partagez cette critique
partage par email

Rattrapée par le passé

Si les Français estiment la plupart du temps que l’écriture ne s’apprend pas, les Américains, eux, suivent avec décontraction ateliers et cours universitaires pour devenir romanciers. Puis entrent en ligne de compte le talent, le don, un regard qui marqueront la différence entre un écrivain et un écrivaillon. Brit Bennett, diplômée de littérature de Stanford, appartient, sans l’ombre d’un doute à la première catégorie. Son roman, « Le cœur battant de nos mères », une trouvaille des éditions Autrement, a été unanimement célébré par la presse anglo-saxonne.

Nadia a 17 ans lorsque sa mère se tire une balle dans la tête. Personne n’avait rien vu venir, mais l’adolescente semble persuadée qu’elle en est indirectement responsable. Sa naissance non désirée a empêché sa mère de mener l’existence à laquelle elle aspirait. Aussi, lorsque Nadia tombe enceinte de Luke quelques mois plus tard, elle n’hésite pas une seconde. Même si elle est amoureuse du jeune homme, elle décide d’avorter. Elle fera les études que sa mère n’a jamais pu même commencé.

Elle quitte la Californie où elle a grandi pour entrer à la fac de droit d’une université du Michigan. Elle est brillante, elle réussit, mais semble incapable de s’attacher. Son choix la poursuit: que serait devenu le bébé, quel genre de famille auraient-ils formé tous les trois ? Hantée par les souvenirs, elle trouve toujours une excuse pour ne pas rentrer chez elle, mais lorsque son père se blesse grièvement, elle saute dans le premier avion et va bien être obligée de se confronter à son passé, de recroiser Luke, mais aussi la femme de celui-ci, Aubrey, qui fut son inséparable amie d’enfance. Le bel équilibre qu’elle avait réussi tant bien que mal à établir, va voler en éclats.

Brit Bennett a vingt-sept ans et ce premier roman, devenu un best-seller aux Etats-Unis, est bien plus qu’une promesse. Nous devrions la retrouver très vite. D’abord au cinéma où son livre va être adapté, puis en librairie car on n’imagine pas qu’elle en reste là.

partagez cette critique
partage par email
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Roman vif et juste

Nadia est belle et intelligente, elle va entrer à l’Université, elle a 17 ans et la vie s’ouvre à elle comme un cadeau … sa mère se tire une balle dans la tête, Nadia est enceinte, Luke paie, mais se détourne … la vie est un drame. A travers cette histoire fort bien contée, avec tendresse et humour, c’est celle des femmes que je lis entre les lignes, celles des mères qui veulent éviter à leurs filles de rencontrer des salauds …

« Mais, les filles n’écoutent pas leur mère, jamais. » Et pourtant, la grande leçon de ce roman (1er roman écrit par une jeune diplômée de littérature âgée de 27 ans et salué par la critique américaine) c’est justement qu’il faudrait s’inspirer des messages de nos mères pour ne pas faire les mêmes erreurs qu’elles.
Le décor : la communauté noire et religieuse du sud de la Californie, trois personnages s’aiment, se déchirent, s’admirent, se détestent mais toujours se cherchent au détour d’un secret dévoilé en tout début de texte. Durant une dizaine d’années, nous suivons les sentiments et les errances de Nadia, Luke et Aubrey : Nadia a eu une brève relation avec Luke avant de devenir la meilleure amie d’Aubrey qui épousera quelques années plus tard Luke (qui ignore les liens qui unissaient Nadia et Luke). Enceinte, Nadia avait fait le choix de l’avortement et ce secret a changé le cours de sa vie, celle de Luke, puis d’Aubrey. Amour et amitié, où commence l’un, où finit l’autre ?
Mais au-delà de cette situation tragique et vécue comme telle par nos trois personnages, mais également toute une communauté bien pensante, c’est le destin des filles et des femmes qui subissent depuis des générations le pouvoir des hommes, mais également l’hypocrisie de la société, sans réellement trouver de réponses à leurs questions. Luke est fils de pasteur mais ses parents paient pour l’avortement. Et tout autour de ce secret, plus ou moins bien gardé, chacun ira de son commentaire. Si l’histoire est contemporaine, on sent bien que de vieilles croyances sont toujours bien présentes. Se greffe également sur le texte, le sujet glaçant du racisme mais sans être réellement développé par l’auteur, peut-être volontairement n’est-il qu’effleuré ?
Ce qui me touche tout particulièrement, c’est au final la solitude implacable de Nadia, belle et rebelle, mystérieuse, avocate reconnue qui multiplie les aventures amoureuses mais sera toujours en quête de comprendre pourquoi sa mère s’est suicidée et l’a abandonnée.
Même si le roman développe à certains endroits quelques lieux communs et lourdeurs, cela reste un très beau texte qui mérite d’être lu pour son sujet grave, mais également pour une écriture agréable et de beaux sentiments. A noter qu’il s’agit d’un premier roman d’une jeune femme de 27 ans.

partagez cette critique
partage par email
 

La vie avec l’eglise du cénacle

Vie ordinaire dans la Communauté noire de l’Eglise du Cénacle dont le pasteur Sheppard est le fondateur. Celles que l’on appelle « les mères » y sont omniprésentes sous la direction de Madame Sheppard. Le père de Nadia en est un adepte fervent depuis le décès de sa femme qui s’est suicidée en se tirant une balle dans la tête. Nadia, elle, erre depuis que sa mère lui a lâché la main.
Son idylle avec Luke, le fils du pasteur Sheppard, porte ses fruits et, à la veille d’entrer dans une grande université, elle se retrouve enceinte. Pas question pour elle de réitérer le schéma maternel. Elle prévient Luke de son état et l’informe qu’elle ne garde pas l’enfant et se fait avorter dans la ville voisine. Luke pourvoit aux frais financiers mais, lâchement, l’abandonne. C’est vrai qu’ils sont jeunes et qu’elle n’a que dix-sept ans. Le racisme ordinaire, Nadia va le connaître en université, mais le sujet n’est qu’effleuré… Ce n’était pas le thème principal du livre.
La vie continue, chacun mène son chemin droit ou tortueux. Nadia poursuit brillamment ses études, Luke végète et se cherche. Comme il n’y a que les droites parallèles qui ne se rencontrent pas, ils se retrouvent au mariage de Luke avec Aubrey, sa meilleure amie.
L’absence d’adieu ou d’au revoir émaille ce livre. Nadia n’a pas pu dire adieu à sa mère et ignorera toujours les raisons de son suicide. Elle n’a pas su retrouver son père, ni lui dire au revoir lorsqu’elle est partie à l’université. Entre Luke et Nadia, il y a toujours ce fœtus et une fin d’amour avortée par la lâcheté de Luke. Chacun poursuit sa route avec ces amputations.
Les personnages sont peut-être un peu trop manichéens. Nadia, la dévergondée, l’aventureuse, celle qui refuse l’ordre établi et Aubrey, la pure (elle se marie vierge), la soumise, celle qui rentre dans le rang. J’ai été étonnée pas la bigoterie, la mainmise de l’église sur la communauté. Ce livre se passe de nos jours et au début, j’ai eu l’impression que cela se déroulait quelques décennies en arrière.
La construction du livre est très intéressante et donne sa force au livre. A chaque début de chapitre, une Mère raconte, sans émotion, comme une vieille histoire passée. D’ailleurs, à ce moment, le récit est au passé. Voici comment l’une d’elle résume l’histoire d’amour de Nadia et Luke : « Nadia avait batifolé dans le lit de Luke Sheppard, et au printemps, le bébé de Luke grandissait en elle. »
L’écriture est agréable, sensible, émouvante, mais il m’a manqué un je-ne-sais-quoi (trop lisse). Un livre à l’américaine, très bien léché, très bien écrit sans trop d’aspérité, agréable à lire et qui va se transformer en film. Je comprends qu’il fasse un tabac, mais…

partagez cette critique
partage par email