critique de "Les Délices de Tokyo", dernier livre de Durian Sukegawa - onlalu
   
 
 
 
 

Les Délices de Tokyo
Durian Sukegawa

Le Livre de Poche
a.m. rom.etran
fevrier 2016
224 p.  6,90 €
ebook avec DRM 8,49 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Un régal ♥

Merci à Julie de m’avoir proposé de la rejoindre dans sa lecture et d’en faire une LC. J’avais acheté ce titre à sa parution et il attendait sagement son tour.

C’est un joli coup de coeur.

Sentarô est gérant de DORAHORU, il est marchand de « dorayaki » , une pâtisserie japonaise. Il s’agit de deux crêpes (genre pancake) renfermant l’ân, la pâte de haricot rouge azuki.

Sa boutique se trouve devant un cerisier marquant le fil des saisons.

Un jour au printemps, il rencontre une vieille dame ; Tokue Yoshii qui lui demande de travailler avec lui. Elle revient plusieurs fois avec la même question . Elle a 76 ans, les doigts tordus, abîmés. Elle finira par le convaincre en lui faisant goûter sa pâte de haricot rouge azuki, un vrai délice.

Sentarô finira par céder séduit par la pâte et le maigre salaire réclamé. Il l’engagera. Un bon choix car la clientèle augmentera et se pressera pour déguster les « dorayaki ».

Tokue et Sentarô sont très différents pourtant ils ont beaucoup plus qu’ils ne le pensent en commun : une grande solitude et un secret lourd à porter.

La première partie du roman est très « gourmande », l’auteur ayant reçu une formation de pâtissier ne se prive pas de nous faire saliver, on a vraiment envie de les goûter ces fameux « dorayaki ».

La seconde partie, elle , nous livrera les secrets de nos deux protagonistes et un pan de l’histoire insoupçonné du Japon.

Avec beaucoup de sensibilité, de délicatesse, un récit qui partage l’amour de la cuisine mais aussi l’amour de la vie, la résilience. Un récit qui nous parle avec poésie et émotion des souffrances du corps et du coeur, de la honte mais aussi de la solitude, de l’enfermement.

La nature et le cerisier qui évoque le passage des saisons sont fort présents. Une plume moins épurée qu’à l’habitude pour ceux qui craignent la littérature japonaise, une plume poétique qui nous interpelle sur l’écoute et le sens de la vie. Délicatesse et émotions au rendez-vous.

C’est un immense coup de coeur. ♥♥♥♥♥

Les jolies phrases

Faire semblant de ne rien voir, certes, c’est un comportement adulte. Mais est-ce que c’est bien, ou vaut-il mieux poser franchement la question…

A l’époque, on n’avait pas d’autre plaisir que d’imaginer ce qui se cachait derrière les mots. J’aimais faire travailler mon imagination.

S’il prenait parti pour l’une, il faisait du tort à l’autre. S’il aidait la seconde, il portait préjudice à la première. Pour commencer, c’était lui qui ne valait pas grand chose.

Bien qu’incapable d’expliquer clairement pourquoi, il sentait que le témoignage de ceux qui avaient subi une existence de souffrances l’avait enrichi. Mais ce témoignage avait aussi planté en lui le germe d’un vertige continu, qu’il garde les yeux ouverts ou fermés.

Du moment que le commerce marche, on peut vendre n’importe quoi. Il s’agit de gagner sa vie, c’est tout.

Mais au fil des années que j’ai passées dans cet endroit, j’ai fini par comprendre quelque chose. C’est que quoi qu’on perde, quoi qu’on subisse, nous sommes des êtres humains. Même privé de ses quatre membres, puisque cette maladie n’est pas mortelle, il faut continuer à vivre.

Et si ni moi ni les humains n’existions, qu’en serait-il ? Pas seulement les humains, si le monde était privé de tous les êtres doués d’émotion, qu’en serait-il ? Ce monde quasiment infini disparaîtrait entièrement. Vous ne trouvez peut-être mégalomane, patron. Mais cette façon de penser m’a transformée. Nous sommes nés pour regarder ce monde, pour l’écouter. C’est tout ce qu’il demande . Et donc, même si je ne pouvais pas devenir professeur, ni travailler, ma venue au monde avait un sens.

Retrouvez Nathalie sur son blog.

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