Ne reste que la violence
Malcolm Mackay

traduit de l'anglais par Fanchita Gonzalez Batlle
Le Livre de Poche
policiers
octobre 2014
384 p.  7,30 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Dur métier que celui de truand

C’est l’histoire d’un jeune homme discret mais ambitieux. Il a convaincu un employeur respecté, patron d’une affaire en pleine expansion, écarte bientôt les rivaux qui freineraient sa promotion, puis engrange les beaux contrats. Il aime son job, un peu moins les à-côtés. Un jour, il craque : à quoi bon tout ce stress, ces calculs, cette méfiance ? Un burn out comme souvent dans la pub, la finance ou les médias. Sinon que lui est tueur à gages. A la suite de « Il faut tuer Lewis Winter » et « Comment tirer sa révérence », Malcolm Mackay clôt avec la même approche froide, la même précision clinique, sa chronique de l’ascension éclair de Calum MacLean dans la pègre de Glasgow. « Ne reste que la violence » nous replonge dans cet univers de boîtes de nuit sans âme et de garages louches où la régularité des intimidations et passages à tabac distingue le bon manager des médiocres.

Le sang coule, la mort se noue le temps d’une gorgée de whisky. Il n’est pourtant question que de psychologie. Jamais Calum ne cesse d’analyser la portée de ses actes et de ses paroles, jamais il ne perd de vue ceux de ses employeurs, de ses alliés ou de ses ennemis. Eux-mêmes en font autant, chacun de son côté. La moindre inflexion dans le comportement de l’un fait frémir tous les autres. La moindre reculade, aveu de faiblesse, peut être fatale. Ces truands se croient liés par des pactes de fidélité, des codes d’honneur, des alliances tacites, autant de murs invisibles auxquels en fait ils se cognent. Ils se mentent à eux-mêmes, se mentent les uns aux autres. Malcolm Mackay montre leur aliénation, leurs pulsions vitales bridées par la seule loi du plus fort. Calum, le plus intelligent de tous, a fait le tour de cette prison mentale, il veut en sortir. « Ne reste que la violence » raconte sa tentative d’évasion.

Avec un art du détachement poussé à l’extrême, une absence d’affect glaçante, l’auteur nous rend chaleureux ce sale type sur la voie de la rédemption. En usant d’une écriture résolument visuelle, de raccords « cut » façon série télé, il dépoussière un genre encore marqué par les classiques des années 50 et 60. En tenant la note sur trois volets et un millier de page, enfin, il laisse l’empreinte d’un romancier confirmé. Sa trilogie frôle la perfection et a sa place dans une bibliothèque idéale du roman noir.

Lire aussi : « Il faut tuer Lewis Winter » et « Comment tirer sa révérence », 2013, chez le même éditeur.

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