Villa des femmes
Charif Majdalani

Points
cadre rouge
août 2015
240 p.  7,10 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une saga poétique

L’œuvre romanesque que Charif Majdalani, écrivain libanais francophone, a entreprise dans les années 2000, culmine avec Villa des femmes, où les motifs de ses précédents romans se font écho, telle une mosaïque patiemment composée. La grande famille libanaise en constitue le centre.

A Ayn Chir, non loin de Beyrouth, le nom des Hayek force l’estime et l’admiration. Cette dynastie chrétienne a bâti son empire sur la fabrication et le commerce du tissu. Skandar Hayek se montre digne de cet héritage et dirige son patrimoine en grand seigneur. Emblème de ce succès, sa maison, dont le linge qui sèche sur le toit claque comme un étendard ; elle résonne des querelles entre sa femme Marie et sa sœur Mado, des rires des domestiques, et ses trois enfants y vivent à l’heure de l’insouciance. En ce début des années 1970, rien ne semble pouvoir troubler la sérénité ni l’ascension des Hayek, mais la mort soudaine de Skandar va précipiter les personnages dans un chaos redoublé par la guerre civile.

Le chauffeur de la famille est le témoin privilégié de la grandeur et de la décadence du clan Hayek, de la guerre qui vient taper aux portes du domaine alors que les hommes ont déserté, et que les femmes de la maison veillent avec détermination sur le temple. Lui seul restera à leurs côtés, au plus fort des menaces, priant pour le retour de Hareth, le fils prodigue qui s’est embarqué pour des aventures au long cours des années auparavant. Ce voyageur des confins qui hante le récit apparaît comme un nouveau Rimbaud, ombre aux semelles de vent distillant un parfum romanesque et onirique, vivant une odyssée brodée en maille serrée dans l’histoire principale, qui l’emporte loin des Pénélope gardiennes de la forteresse d’Ayn Chir en butte aux attaques et à la ruine.

Villa des femmes fait le portrait émouvant de trois femmes puissantes, héroïnes d’une maisonnée préservée à toute force pour un nouveau prince élu. Charif Majdalani signe là une saga familiale doublée d’un roman d’aventures poétique étonnant qui la dépasse pour interroger le sens du destin.

partagez cette critique
partage par email