La punition qu'elle mérite
Elizabeth George

traduit de l'anglais par Isabelle Chapman

mars 2019
667 p.  10 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

La reine est… américaine !

Elizabeth George a détrôné toutes les autres reines du crime, un comble pour une Américaine. Mais si elle vit aux Etats-Unis, c’est en Angleterre qu’elle puise l’inspiration pour ses personnages british en diable et représentant tout un éventail de classes sociales, mais aussi pour ses intrigues sophistiquées, retorses, imprévisibles.

Lorsque je suis tombée par hasard sur son premier roman, « Enquête dans le brouillard », c’était au siècle dernier, on ne précisera pas l’année, et j’ai su immédiatement que j’allais adorer cette auteure, et plus encore ses personnages : son lord, le si délicat Thomas Lynley, Barbara Havers, brute de décoffrage mais qui ne lâche jamais l’affaire, Simon, Deborah, Helen. Autant de compagnons que je retrouvais avec joie tous les deux ou trois ans. J’en ai voulu à la romancière lorsqu’elle a décidé de tuer Helen et de transformer Lynley en zombie inconsolable ! Et s’il a fallu du temps au veuf pour se consoler, il m’en a fallu autant pour pardonner à la coupable ce crime de lèse-majesté.

Ce rendez-vous qu’elle nous donne maintenant depuis une trentaine d’années, reste pour moi incontournable. Je crains toujours un peu d’être déçue, il m’est arrivé parfois de trouver une volume plus faible que les autres, mais c’est rare. Son dernier livre réunit une fois de plus nos deux accolytes, Lynley et Barbara. Ils sont expédiés dans la petite bourgade de Ludlow, un endroit bucolique et idyllique que Ian Druitt a choisi pour se suicider. Accusé de pédophilie, le diacre a préféré en finir. Cette mort semble suspecte toutefois. Pédophile ? C’est la première fois qu’une telle rumeur courait à son propos. Barbara Havers, d’abord obligée de faire équipe avec sa chef Isabelle Ardery, qui a l’habitude de remplacer l’english breakfast tea par de la vodka, a toutes les peines à la convaincre de ne pas boucler l’enquête si vite. Exit Isabelle, qui va poursuivre sa longue descente éthylique chez elle et laisser la place Lynley.

L’histoire semble ténue, c’est vrai, alors comment expliquer que l’on tourne les pages de ce pavé avec allégresse ? Le principal intérêt du cette lecture se trouve dans la toile de fond : toute cette population adolescente qui se saoûle à mort le samedi soir, les adultes qui ne savent pas comment agir pour ou contre leurs enfants lorsque le dialogue est coupé, les ambitions des uns, les mesquineries des autres. Plongeant comme une spéléologue dans la campagne anglaise, tout en continuant à surveiller ses personnages récurrents dont les problèmes personnels sont devenus les nôtres avec le temps, Elizabeth George adoucit les horreurs qu’elle imagine d’une pointe d’humour (avec une mention spéciale pour le numéro de claquettes de Barbara) et voilà que ces 667 pages ont filé en un week-end.

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