critique de "Le Français de Roseville", dernier livre de Ahmed Tiab - onlalu
   
 
 
 
 

Le Français de Roseville
Ahmed Tiab

EDITIONS DE L'AUBE
aube noire
janvier 2016
304 p.  11,50 €
 
 
 
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Oran, Ô désespoir, Ô passé enseveli !

Première enquête de Kemal Fadil avec qui nous faisons connaissance… On va de 2013 à 1963 et 1953 en faisant des sauts de puce entre ces trois différentes époques : la contemporaine où Kemal Fadil enquête suite à la découverte de deux corps, celui d’un enfant d’une dizaine d’années et celui d’un adulte, dans une cave vouée à être détruite pour permettre la reconstruction d’un quartier d’Oran, celle de 1963 où l’on assiste aux événements ayant aboutis à l’enterrement de ces deux corps et enfin celle de 1953 où on découvre les prémices de cette affaire. Tout cela est emmené tambour battant par Ahmed Tiab qui, malgré quelques maladresses de style, livre un très honnête polar mélangeant histoire et Histoire. Il y est énormément question d’identité et d’appartenance ou de sentiment d’appartenance ou de rejet. Le renversement des rôles, le « français » étant celui qui n’est pas à sa place, est particulièrement bien traité et intéressant. Cette défiance sous-jacente à la révolution indépendantiste algérienne est contre-balancée en 2013 par la relation d’amitié qui unit Kemal Fadil en Algérie et Franck Massonnier en France. Il y a ainsi tout au long du livre un questionnement, voire un tiraillement, de l’auteur entre deux cultures, lui qui est originaire d’Algérie et enseigne aujourd’hui en France. Une façon de faire le point pour lui, et pour le lecteur, sur cette ambivalence née d’un conflit qui n’a jamais vraiment été « soldé ». Et au-delà de ce rapport au passé pour lequel tout n’a pas été dit, le lien entre la guerre d’indépendance des années 60 et les printemps arabes récents est omniprésent dans le livre d’Ahmed Tiab. Pour ce qui est de la structure du livre, il est mono bloc dans la mesure où, au lieu de procéder comme souvent en intercalant les chapitres 2013/1963/1953, Ahmed Tiab procède en 4 temps bien séparés : d’abord la découverte des corps et le démarrage de l’enquête en 2013 puis la période 1963, qui profite au lecteur à un moment où Kemal Fadil n’a largement pas encore découvert tous les tenants et les aboutissants de l’histoire, enchaînant logiquement avec la période 1953 pour revenir ensuite à l’époque contemporaine et clore son histoire. Ce séquencement joue pour beaucoup dans la réussite du roman qui peine un peu à se lancer avant de happer le lecteur pour ne plus le lâcher. On a en fait l’impression de lire deux romans, liés entre eux à travers les décennies, deux histoires reliées entre elles par un nombre limité de points communs : les protagonistes, vivants ou morts, et le devenir d’un pays ravagé par la colonisation, la corruption, la religion, les haines et les rancoeurs. Il y est aussi question de la place de la femme dans la société algérienne. Même si ce n’est pas le propos majeur du livre, on sent qu’il est malgré tout important aux yeux de l’auteur. Je parlais de première enquête qu’il nous est donné de découvrir alors qu’il y est constamment fait référence à une précédente « aventure » liée au démantèlement par Kemal Fadil d’une filière de passeurs entre l’Algérie et l’Espagne, au bout de laquelle Kemal a rencontré Fatou. Mais ceci est une autre histoire… enfin, surtout celle de « Le désert ou la mer » du même auteur chez le même éditeur.

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