Prémices de la chute
Frédéric Paulin

Agullo
mars 2019
312 p.  21 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

Prémices de la chute de Frédéric Paulin
est le coup de cœur de la Librairie Tonnet à Pau
dans notre q u o i l i r e ? #64 « spécial polars »

partagez cette critique
partage par email

Au coeur de la terreur islamiste

« Le roman, ça rassure les gens, ils ne savent pas que le romancier peut révéler la vérité ». Cette confidence d’un personnage de « Prémices de la chute » résume l’ambition de Frédéric Paulin : raconter pour un large public comment, depuis la décennie noire de l’Algérie, la terreur islamiste s’est répandue jusqu’en France. Le premier volet de son triptyque, « La guerre est une ruse », est un succès en librairie qui cumule les récompenses. Le deuxième, qui vient de sortir, est attendu au tournant : il faut confirmer.

Le temps d’introduire de nouveaux personnages et de réinstaller les anciens, et on y est. Roubaix, 1996, un gang armé écume les supermarchés. Un reporter local et une jeune gradée de la PJ voient entrer en action les premiers djihadistes français, revenus de Bosnie. On va dès lors rebondir entre ces témoins de première main et deux observateurs plus distants mais tous plus impliqués : une responsable du contre-terrorisme et un officier de renseignement, Benlazar, envoyé cette fois dans les Balkans après sa mission en Algérie (« La guerre est une ruse »).

L’auteur développe un jeu captivant entre une réalité connue (attentats, manœuvres politiques) et sa perception par ces héros fictifs. Une manière d’éclairer les événements depuis des coulisses imaginaires, sous un angle inédit. Et si l’on n’avait pas su voir ? ou pas su agir à temps ? Loin des théories du complot, son récit recoupe des visions déjà connues des attentats de 1996 ou du 11 septembre. Une façon d’appuyer là où le terrorisme a fait mal. Il ne ménage pas ses personnages, ne leur donne pas toujours le beau rôle, et nous laisse très impatients de lire la suite.

Lire notre interview de Frédéric Paulin « Ma spécialité, c’est le moment présent »

partagez cette critique
partage par email
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur nuit blanche

Franchement, je crois qu’il y aura chez moi un avant et un après Prémices de la chute. En effet, ce livre m’a vraiment ouvert les yeux sur les rouages des réseaux djihadistes, leurs origines, leurs modes opératoires, l’itinéraire des hommes qui les composent.
Il permet aussi de mieux comprendre le rôle des différents services comme ceux de la DST ou de la DGSE, la façon dont ils fonctionnent, leurs prérogatives, leurs dissensions.
Frédéric Paulin se sert donc de l’histoire récente pour nous plonger dans ce qu’on peut imaginer de pire et vraiment, ÇA-FOUT-LES-JETONS !!!
1996. Réif Arnotovic, dit Arno, journaliste à La Voix du Nord, a bien du mal à percer dans le métier et rêve d’un article dans Libé ou le Nouvel Obs. Une nuit, son patron le réveille et lui demande de filer à Roubaix où des policiers se font descendre à la Kalachnikov. A priori, ce sont les mêmes malfrats qui ont braqué une supérette la semaine d’avant à Wattrelos. Arno se rend sur place, prend quelques photos, mais en termes d’infos, la récolte reste maigre. Alors, il tente une visite à un petit truand qu’il connaît un peu, un certain Saïd Ben Arfa qui est en lien avec certains milieux de la banlieue lilloise. Après la fermeture du Macumba où il travaille, ledit Saïd invite Arno à faire un petit tour dans sa BM. Ce qu’Arno va apprendre est pour le moins incroyable : les gars qui s’attaquent aux supérettes de la région reviennent d’ex-Yougoslavie. Ce sont des petits Français, convertis à l’Islam, qui ont appartenu à la brigade El Moudjahidin constituée d’étrangers musulmans en provenance de différents pays. Ils ont en effet aidé l’armée bosniaque à combattre les Serbes puis, après les accords de Dayton, sont rentrés chez eux, avec leurs armes de guerre. Maintenant, ils amassent de l’argent en braquant des commerces. Leur but ? Faire leur djihad. Des noms ? Oui, Saïd en connaît : Lionel Dumont, Christophe Caze et d’autres encore.
Soudain, notre petit journaleux prend peur : et si Saïd avait trop parlé ? Et s’il allait maintenant, en pleine nuit, le zigouiller et le laisser mort sur l’autoroute ? Soudain, Saïd arrête sa BM, fait descendre Arno et l’assomme…
Si notre journaliste local a de toute évidence de quoi faire un très bel article sur ce gang de Roubaix qu’on va vite surnommer les Ch’tis d’Allah, il a le sentiment qu’il doit aussi prévenir le commandant Laureline Fell qui bosse à la DST et s’intéresse de près à ce qui se trame dans le milieu islamiste lillois. Elle-même est en contact avec un certain Tedj Benlazar qui, de Sarajevo, lui transmet des infos sur les liens entre ces gars et Al-Qaïda.
Réif Arno ne sait pas qu’il vient de mettre le doigt dans un terrible engrenage qui va le mener aux portes de l’enfer, de la Bosnie aux grottes de Tora Bora, dans les montagnes d’Afghanistan où se cache un certain Ben Laden, et ce qu’il va découvrir alors est à peine croyable, oui, à peine croyable…
Et c’est peut-être ça, au fond, le problème : qui va accepter d’accorder un peu de crédit à ce petit journaleux qui commence à avoir de très très inquiétants pressentiments ?
Comme je le disais au début de l’article, ce roman m’a fait prendre conscience de la façon dont ont émergé les réseaux islamistes. J’avoue que ma lecture des premières pages s’est accompagnée de quelques recherches complémentaires qui m’ont permis de faire des mises au points historiques et de réaliser – à ma grande stupeur parfois !- que tel fait évoqué par l’auteur N’ÉTAIT PAS de la fiction!!! Sachez aussi que le lecteur dispose d’un glossaire à la fin du roman. C’est précisé au début mais je ne l’avais pas vu !
En tout cas, ce qui m’a frappée, c’est l’immense naïveté ou l’inquiétant aveuglement des gouvernements qui – et malgré les informations abondantes dont ils disposaient – semblent n’avoir pas vu ( ou voulu voir) le pire qui se profilait à l’horizon tandis que, d’après l’auteur en tout cas, certains avaient parfaitement tout prévu. Vous me direz : comment peut-on imaginer l’impensable ? Oui, bien sûr… Néanmoins, je m’étonne de cette cécité générale, les États-Unis (la CIA) en tête d’ailleurs, certainement à cause de stupides rivalités entre services secrets (rivalités qui apparaissent bien dérisoires quand on en connaît les terribles conséquences, à savoir les attentats du 11 septembre !) La citation placée en épigraphe : « Seuls les gens normaux ne savent pas que tout est possible » de David Rousset laisse penser qu’au fond, malgré leurs agences de renseignement et leurs armées suréquipées, les grandes puissances occidentales peinent à empêcher le pire.
Et c’est bien là tout l’enjeu du roman : comment, avec les informations dont ils disposent, les états peuvent-ils agir efficacement face à un mal protéiforme, complexe et du coup presque insaisissable ?
Un roman d’actualité extrêmement documenté qui mêle habilement fiction et faits réels : une lecture passionnante, terrible, qui fait froid dans le dos…

LIRE AU LIT le blog

partagez cette critique
partage par email