Soeurs
Bernard Minier

XO
avril 2018
480 p.  21,90 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

1988 : deux soeurs, Ambre et Alice, s’avancent dans la forêt pour retrouver l’être qui les fascine le plus au monde : un écrivain. « – Nous sommes tes plus grandes fans… Tu peux tout nous demander. »
Ce préambule ne vous semble peut-être pas crédible, vous pensez qu’un acteur, un chanteur, un footballeur (!), un youtuber pourrait éventuellement avoir de l’ascendant, de l’emprise sur des jeunes filles, mais un écrivain… non !
Eh bien, détrompez-vous ! Je suis frappée chaque année au Salon du livre de Paris par les interminables files de gamines surexcitées brandissant d’énormes pavés qu’elles attendent fébrilement de faire dédicacer. Les premiers temps, stupéfaite, et cherchant à découvrir quel gourou était à l’origine d’une telle fièvre frôlant l’hystérie, je remontais ces queues infinies pour découvrir souvent, le stylo à la main et le sourire éclatant, de jeunes auteurs (souvent des femmes d’ailleurs) pas beaucoup plus âgées que leurs fans, prenant le temps de parler à voix basse à leur admiratrice littéralement liquéfiée par l’émotion et la chaleur. Et là, j’assistais à des scènes terribles de sourires passionnés, d’embrassades déchirantes qui se terminaient souvent par des pleurs intarissables dans un coin du Salon… Impressionnant !
Donc oui, j’ai vu de mes propres yeux de jeunes adultes fragiles totalement fascinées par un écrivain qu’elles adulent et qui pourrait, s’il le voulait, se transformer en gourou ! Ah, le pouvoir des mots, de la fiction, j’imagine bien que Bernard Minier nous parle un peu de lui à travers cette réflexion sur une facette bien réelle du métier d’écrivain !
Revenons à nos moutons : donc, après cette rencontre entre les jeunes filles et leur idole, on se retrouve cinq années plus tard, en 1993 donc, devant deux cadavres, deux étudiantes, retrouvées mortes sur l’île du Ramier à Toulouse, attachées à un arbre, atrocement mutilées et vêtues de robes blanches de communiantes. Leur cadavre fait l’objet d’une horrible et macabre mise en scène. Il s’agit, vous l’aurez deviné, des deux demoiselles dont on a parlé tout à l’heure…
C’est le commandant Léo Kowalski « barbe rousse et allure de loup de mer » qui s’y colle et il doit montrer le b. a. ba du boulot à un jeune bleu qui débarque dans le métier : Martin Servaz, un homme plutôt sensible, fragilisé par le suicide récent de son père et par une relation de couple qui bat de l’aile. Bref, après des études de lettres, Martin se retrouve dans la police, un univers a priori pas franchement fait pour lui. Quant aux scènes de crime, autant dire qu’il n’est pas prêt. « – C’est ton premier vrai coup, puceau, lui annonce avec doigté son chef, Kowalski, alors, écoute, observe et apprends. »
S’il y avait un lien entre ces deux meurtres monstrueux et la fascination des jeunes filles pour cet auteur, un certain Erik Lang dont le titre le plus vendu est justement Les Communiantes ? Tout ceci reste à prouver…
Et quand on se retrouve devant un être intelligent, manipulateur (écrire consiste bien, d’une certaine façon, à manipuler son lecteur, non ?), à l’imagination sans limites et prêt à tout pour sauver sa peau… Le boulot risque d’être difficile ! D’autant qu’en 1993, la police scientifique doit faire sans l’ADN et sans le téléphone portable.
Dans tous les cas, c’est une première affaire qui va s’avérer bien difficile pour notre pauvre Martin qui se demande même s’il ne doit pas démissionner et chercher à embrasser une autre carrière !
Des personnages attachants, un bon suspense qui tient le lecteur éveillé une grande partie de la nuit (mais bon, c’est les vacances…), une intrigue complexe à la construction irréprochable. Un seul bémol peut-être, si je peux me permettre : quand un personnage va d’un point A à un point B, est-il bien nécessaire de décrire dans le détail chaque pièce, chaque couloir, chaque porte au risque de casser le rythme ? Et j’avoue, le rose aux joues, avoir lu parfois en diagonale quelques descriptions pour en arriver à l’essentiel – suspense oblige ! (Je croise les doigts pour que mes élèves ne lisent pas mon article car j’aurais bien du mal à leur faire aimer Balzac après ça!)
Un très bon moment de lecture en tout cas !

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