Garder la tête hors de l'eau: Une enfance au Chelsea Hotel
Nicolaia Rips

traduit de l'anglais par Cécile Dutheil de La Rochère
Fayard/Pauvert
janvier 2017
312 p.  18 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une jeunesse new-yorkaise

Raconter sa biographie quand on n’a que 18 ans ? Un exercice périlleux ! Mais Nicholaia Rips, new yorkaise pur jus y arrive aisément. Il faut reconnaître qu’elle a quelque chose à raconter : son enfance dans l’un des endroits les plus scandaleux de New York, le Chelsea Hotel. Situé sur la 23e rue, ce palais décalé a été le refuge d’alcolos, de comtes désargentés, d’excentriques de tous poils, d ‘artistes géniaux en attente d’une commande et de ses beatniks de parents. C’est ici que Kerouac écrit «Sur la route», que Warhol choisit de tourner son mythique « Chelsea girls ». Arthur Miller s’ y installe après son divorce avec Marylin, Bob Dylan écrit son si beau «Sara». L’hôtel est fermé en 2011 pour rénovation complète, mais les résidents peuvent continuer à y vivre en payant avec leurs tableaux car l’argent manque.
Une enfance bohême
Comment grandir dans un tel environnement ? En disant bonjour à son voisin, Angel qui porte tel un ange déchu ses ailes sur son dos , en accomplissant ses devoirs auprès d’une voisine qui cache un revolver sous ses nombreux vêtements…. L’auteure détaille ses difficultés scolaires dans une école super compétitive, son sentiment d’être différente des autres, et surtout l’impossibilité à retenir l’attention de ses parents. Le père, écrivain, aime Groucho Marx, il a donc bon goût, la mère, ancienne mannequin est sculptrice, et tous les deux ne font pas partie de ces nouveaux parents qui espionnent leur progéniture à l’affût du moindre danger….
La foire a remplacé la culture
Roman d’apprentissage que l’auteure a commencé avant l’adolescence, le texte nous parle d’une enfance particulière mais aussi d’un moment qui n’est déjà plus l’âge d’or pour les artistes : au temps de Nicolaia, le Chelsea ne résonnait plus du rire de Warhol ni du génie de Mapplehorpe , on n’y voyait plus Simone de Beauvoir prendre un verre avec Leonard Cohen, mais ce fut plutôt le lieu des soirées foireuses, des crises de nerfs, des dealers qui ne se cachaient pas devant l’enfant. Aujourd’hui le Chelsea est fermé indéfiniment pour travaux, Trump est président et plus rien ne vient troubler l’Amérique conservatrice. Le livre se déguste comme une limonade bien fraiche, entre âge tendre et ode à la liberté. Un écrivain est né, la relève est assurée.

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