La vie négociable
Luis Landero

traduit de l'espagnol par Alexandra Carrasco
du rocher
août 2019
448 p.  22 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un Don Quichotte qui décoiffe

Luis Landero a commencé sa carrière de romancier sur le tard. Récompensés par plusieurs prix, ses livres connaissent toujours un grand succès critique et public en Espagne. Mélange de roman d’apprentissage, de réalisme, de comédie, de roman policier et de métafiction, « La vie négociable » a pour personnage principal un antihéros ambitieux, Hugo Bayo, à certains égards cervantesque et picaresque, que l’on voit vieillir avec ses illusions et ses déboires, son individualisme tiraillé entre idéal et réalité, cynisme et culpabilité.

Fils d’un administrateur de biens et d’une rêveuse au tempérament romanesque, Hugo découvre avec désenchantement que sa mère est adultère et que son père trempe dans des combines immobilières illégales. Il profite de cette faillite morale parentale pour leur extorquer de l’argent et justifier son côté mauvais garçon sans scrupules. Paresseux, voleur, menteur, l’adolescent fait la connaissance de Leo, une fille blasée qu’il commence par détester avant de l’aimer dans une relation compliquée faite de bagarres, de jalousies et de réconciliations sans fin. Hugo caresse plusieurs rêves : être fermier à la manière d’un pionnier américain, devenir millionnaire ou encore aventurier. Disons-le tout de suite : il ne sera rien de tout cela. Mis à la porte du domicile familial, il s’engage dans l’armée où on le désigne apprenti coiffeur. Contre toute attente, il s’avère doué et apprend très vite le métier, devenant la coqueluche de la colonelle qui joue les initiatrices. En dépit de ses succès, Hugo n’oublie pas Leo avec laquelle il se marie à la fin son service militaire. Il est ensuite embauché chez un coiffeur de quartier madrilène mais ne s’en satisfait pas, ses désirs de grandeur le reprenant régulièrement. Des rapports houleux avec sa femme, une rancœur contre l’inertie de la société : l’amertume et la colère le tenaillent, avec un furieux besoin récurrent de repartir à zéro. Eternel insatisfait et conscient de l’être, Hugo finira-t-il par trouver la sérénité ? Luis Landero dessine un personnage à la fois moderne dans ses aspirations de jeune loup versatile, et enraciné dans une société conservatrice qui s’émancipe peu à peu, louvoyant entre les préjugés et la religion pour se faire une place au soleil. Un très bon moment de lecture dû au style fluide, à l’humour et au détachement qui font du narrateur avide de succès le romancier et le héros de sa vie. Ah oui, précisons qu’en dernier ressort, Hugo se verrait bien écrivain…

 

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