Les invisibles
Roy Jacobsen

traduit du norvégien par Alain Gnaedig
Gallimard
du monde entier
mai 2017
272 p.  21 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

L’île au nord du monde

Roy Jacobsen ancre cette histoire de vies minuscules sur une île norvégienne qui l’est tout autant, là où le pays façonne les hommes à son image. D’une grande puissance évocatrice.

Une île coupée du monde

Les Barroy possèdent l’île du même nom, située au nord du cercle polaire. Il y a Hans et Maria, leur fille Ingrid, son grand-père et sa tante attardée. Tous les cinq vivent en quasi autarcie, à l’instar des quelques autres familles de cet archipel norvégien septentrional, « une poignée de gens […] qui cultivent une fine couche de terre et pêchent dans les profondeurs de la mer, enfantent des jeunes qui grandissent et cultivent la même terre et pêchent dans les mêmes profondeurs ». L’histoire des Barroy s’étend sur plusieurs années, au début du siècle dernier, malgré l’impression d’immuabilité que donne le quotidien de ces îliens coupés du monde. Durant les mois d’hiver, le père s’en va pêcher au large, tandis que l’été est consacré au travail de la terre, au bétail, le reste du temps à la récolte du duvet d’eider et à l’extraction de la tourbe. La jeune Ingrid, au centre du roman, est l’enfant unique qui devra vite apprendre à tirer parti à la fois des traditions, des ressources de la nature et du progrès.

La force du destin

Malgré une géographie en retrait, les bruits du monde parviennent jusqu’aux rives de Barroy, s’échouant parfois comme des vestiges de naufrages, rejets improbables des courants, ou bien rapportés par des immigrants fuyant la guerre ou la famine. La fatalité pèse sur ceux que des envies de départ démangeraient, mais n’empêche pas l’obstination des habitants à résister aux caprices de la nature, à une mauvaise saison de pêche, à la sècheresse ou aux tempêtes. Chacun ajoute sa pierre à l’île, en construisant un quai, une jetée, un phare… Et si les cieux sont cléments, que les hommes sont tenaces et que la folie épargne les esprits, alors l’horizon laisse libre cours aux rêves, et de la brume émerge un jour une maison peinte, l’origine d’une nouvelle ère. Voici un beau roman à la fois rugueux et subtil sur le destin d’âmes fortes.

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