Deux remords de Claude Monet
Michel Bernard

La Table Ronde
vermillon
août 2016
224 p.  20 €
ebook avec DRM 13,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Superbe

J’avais aimé « Les forêts de Ravel » .Avec ce nouveau livre, je plonge dans la vie de Claude Monet avec délectation.

Bien calée, je lis les mots de Michel Bernard, je l’écoute me conter la vie de Claude Monet.
Le livre s’ouvre sur le père de Frédéric Bazille recherchant le corps de son fils jusque dans les bastions ennemis, quelque part vers Beaune-la-Rolande. Une partie superbe d’émotion retenue, d’amour paternel. Frédéric Bazille, l’ami trop tôt disparu, mort à la guerre de 1870, charpente du trio Bazille-Monet-Renoir. Ce jeune homme de bonne famille venu de Montpelier était aussi grand que généreux avec ses amis fauchés.
Puis, il y a Camille, l’adorée, la première épouse et modèle de Monet qui le soutient le temps des vaches maigres et accompagne dans un amour partagé jusqu’à sa mort, dont il ne se remettra jamais tout-à-fait. C’est elle qui pose dans le fameux tableau dit de la robe verte, le début de la reconnaissance puis de la gloire pour Monet.
Ainsi coule, tranquille comme l’Oise qu’il peint sur son bateau-atelier la vie de Claude Monet avec ses douleurs, ses morts, ses grands joies, ses orgueils de peintre…
L’évocation de la vie de Monet, de ses débuts miséreux jusqu’à Giverny, de son entourage, de son époque, me fait plonger dans une époque que l’on qualifie de charnière. L’industrie explose. Après la guerre de 70
« Paris, en léchant ses palies, se pardonnait lui-même. ». Monet peint ce qui l’entoure, des usines, le train à vapeur (superbe le train dans la neige, dantesque le pont de l’Europe). Qui oserait peindre une centrale nucléaire ou une gare de TGV de nos jours ?
Je n’arrive pas à parler correctement de ce livre que j’ai tellement aimé. Je l’ai lu lentement pour en déguster chaque page, chaque mot. L’écriture tour à tour impressionniste, descriptive, languissante, nerveuse, dépeint si bien l’amour, l’amitié, la rage des débuts, le besoin et le désir de peindre, l’insatisfaction de Monet qui
« Souvent mécontent, Monet grattai son travail le lendemain. Dans un coin du jardin, il faisait tomber de la toile en copeaux ses images de la neige. »
Ne voyez-vous pas dans cette description un tableau s’élaborer sous vos yeux
« Il entendait le peuple des eaux vives, les mouettes criardes remontées de l’estuaire, le miracle bleuté du martin-pêcheur, les cris des oiseaux de la terre poussés vers le miroir par un coup de vent , qui, comme ébahis de leur audace, se postaient sur le liston du bateau, le vol troublé de la libellule, le saut d’un gardon poursuivi par un brochet, et, au bout d’un moment, ce bruit qui ne se révélait que lorsque le corps et l’esprit avaient fait amitié avec le lieu : le fin bruissement de l’onde contre les flancs de l’embarcation, le glissement de l’énorme masse d’eau entre les berges, le chant du fleuve. »
Une belle métaphore parlant de l’annexion de l’Alsace et la Lorraine par l’Allemagne. « Un boulet de canon avait emporté l’épaule du pays »
Le portrait de Camille sur son lit de mort est pour moi, la seule façon qu’a eu Monet pour parler de son amour, de son chagrin.
« Il fit entrer plus largement dans la pièce le début du jour en ouvrant à demi les volets, puis il alla chercher une toile, un pinceau, sa palette et quelques tubes de couleur. Il installa une chaise au bout du gisant, s’assit, appuya le haut de la toile posée sur ses genoux contre les barreaux du pied du lit, et commença de représenter les traits de la morte tels qu’il les voyait. Avec du bleu et du blanc, il fit monter à la surface du monde, une dernière fois, le visage de Camille. Les joues avaient fondu, le nez était pincé, la peau tirée sur l’os avait déjà pris, par places, une teinte jaune tirant sur le gris. Monet alla chercher d’autres tubes pour restituer aussi cela, les progrès de la corruption sous la peau si souvent embrassée, dans la chair si bien étreinte. Pour terminer, il sabra de traits verts le milieu de la toile et les moucheta de pointes de rouge. C’étaient les fleurs de septembre qu’il avait disposées sur les mains de la morte. »
J’aime la peinture de Monet que je vais admirer à chacun de mes passages parisiens. Ce livre, par l’écriture admirable de Michel Bernard est un grand coup de cœur pour moi.
Un seul regret, je vais devoir rendre le livre à la bibliothèque
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