La nuit je vole
Michèle Astrud

Aux Forges de Vulcain
janvier 2018
228 p.  19 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
nuit blanche

Envole-moi !

« Il reste suspendu »… « rêve éveillé »… ces deux phrases résument à merveille le sentiment qui prédomine à la lecture de récit initiatique et/ou libérateur. Le lecteur se sent en effet comme en apesanteur dans ce texte, comme dans une bulle de coton dans laquelle Michèle Astrud nous place pour que nous soyons bien dans notre cocon de lecture. C’est plutôt très réussi.

Michèle (re)découvre une nuit qu’elle vole. Vous avez là le résumé de toute l’histoire dont part l’auteur et qui prend de l’ampleur au fur et à mesure du développement du récit. Celui-ci trouve son équilibre dans le duo créé par Michèle Astrud entre Michèle, son héroïne volante, et Guillaume, son mari terre-à-terre. Michèle pèse de toute sa légèreté sur le côté de la balance voué à la liberté pendant que Guillaume appuie de son côté sur celui de la négation de l’autre, de l’enfermement. C’est un peu le match de la déraison contre la raison, de la folie face à la réalité.

Guillaume a longtemps maintenu Michèle en cage. Et pourtant, des ailes, Michèle en avait déjà avant. Dans ses rêves, dans ses accès de somnambulisme, elle a touché du doigt la présence de ses ailes dans sa jeunesse jusqu’à ce que sa rencontre et sa vie avec Guillaume éteignent cette étincelle.

Et pourtant, on a vu souvent rejaillir le feu d’un ancien brasier… et un jour, ou peut-être une nuit, Michèle se réveille. Et si pendant des années la raison a enfermé la déraison, que se passe-t-il quand soudain cette dernière parvient à reprendre sa liberté ? Les effets en sont-ils démultipliés ?

Michèle est forcée, sous la pression du public qui assiste en spectateur à ses coups d’éclat et des médias qui veulent accaparer son nouveau talent, de prendre de la hauteur, de changer de point de vue, de perspective. Elle doit prendre du recul par rapport à tout ce qui lui arrive. Et le lecteur s’élève avec elle.

Michèle Astrud emporte le lecteur dans son conte dans un style aussi aérien et léger que son héroïne. Elle y distille quelques références musicales et littéraires, notamment un malicieux « Longtemps, j’ai été somnambule » pas piqué des hannetons…

Roman de liberté, roman sur la re-découverte de soi et la ré-appropriation de son libre-arbitre, « La nuit je vole » est une utopie qu’on rêverait de voir se concrétiser et généraliser même si ces vols ne sont que l’expression fantasmée de la liberté (retrouvée) de l’héroïne. Chacun peut alors se prendre à rêver lui-même, à imaginer la forme que prendrait sa propre prise de conscience, sa propre liberté. A travers Michèle, ce sont tous les lecteurs qui sont invités à réinventer leur vie.

« Toute la nuit, sans aucun effort, j’ai glissé sur les courants frais. Sans contrainte, sans but, sans interrogation. J’ai oublié jusqu’à mon nom, je ne sais plus où j’habite, d’où je viens, qui je suis. Rien n’a plus d’importance, j’ai tout laissé derrière moi. Ce qui me rattache réellement au monde est là, sous mes pieds, sous mes mains. Cette tenue familière dont j’ai réussi à le détacher pendant quelques heures. »

partagez cette critique
partage par email
 
coup de coeur

fable fantastique, ésotérique

La première de couverture inaugure d’emblée le ballet en cimes transcendantes. Sombre, poétique, on admire les traits d’Eléna Vieillard avant de commencer une lecture hors pair. Cette fable philosophique, ésotérique mêle la fiction aux ressentis porteurs de sens. Voler à l’instar d’Icare tel est le destin de Michèle somnambule, mais pas que. Les ailes déployées en jeu narratif doué, les Michèles se mélangent et volent, dans l’existentialisme des hauteurs. Laquelle donne à voir le plus de cette quête du moi ? L’auteure Michèle Astrud, ou le narrateur ? Michèle les pieds sur terre ou Michèle la torturée et mélancolique femme ? On aime les lignes douces de l’auteure qui se déploient tel un vol parabolique. Maîtrisé à l’extrême, le verbe est grandeur et espace. « Le voyage, cette odyssée extraordinaire, ce cadeau merveilleux. Pourquoi moi ? Qu’est- ce-que j’ai fait pour le mériter ? Planer dans le ciel, être libérée, oublier la pesanteur, cette facilité si précieuse, si fragile. »Le lecteur pénètre dans cette symbiose rencontre et ne craint plus le vertige. La fable est belle et emporte dans son air vivifiant le lecteur qui accepte l’invincible et guide Michèle dans sa quête éperdue. Et c’est sans doute le message de toutes couleurs de cette histoire quasi fantastique. Telle la philosophie de Diogène, Michèle à l’instar du goéland Livingston de Richard Bach vole toujours plus haut, et continuera à jamais au risque de se briser les ailes. Majestueux, aérien, céleste, « La nuit je vole » de Michèle Astrud, publié par les belles Editions « Aux Forges de Vulcain » est à lire sous une voûte étoilée. Et vous verrez comme tout change !

partagez cette critique
partage par email