La téméraire
Marine Westphal

Stock
janvier 2017
144 p.  16,50 €
 
 
 
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coup de coeur

Marie Westphal a mis des mots sur MA peur

J’ai reçu une claque avec ce livre.
Sali et Bartoloméo dit Lo Meo, un couple qui a su garder et faire grandir leur amour. Ils se tiennent par la main depuis trente années. Pourtant l’irréparable arrive par le biais d’un AVC de Lo Méo lors d’une randonnée dans les Pyrénées avec son ami, son poto.
Bien sûr, comme disent les médecins, il est vivant, mais le verdict tombe, dommages irréversibles, débrouillez-vous avec cela. On le ramène chez lui, se retrouve dans un lit médicalisé qui encombre le salon. LUI, le vivant, le roc, le socle, le chêne, le voici devenu légume, poireau flétri par le gel.
« Un lit au centre du salon, un matelas aux bourrelets tendus d’air, un homme en pyjama au mois d’août, allongé. Est-ce qu’il dort, je l’ignore. Sali veille. »
Sali est là, passe ses journées à ses côtés, assise dans le fauteuil, témoin de tant de bonheur, se refusant toute autre activité, même se laver les cheveux. Elle y vit, y campe.
« Le corps d’une femme disparait dans un volumineux fauteuil aux gros boudins de bras, baptisé Goliath. Le genre confortable et crevé d’avoir trop servi. »
Suite à une phrase d’Olga, l’infirmière à domicile, un jour l’idée germe dans l’esprit de Sali, d’emmener une dernière fois Lo Meo à son « jardin », qu’il s’éteigne sur son tapis de mousse la face vers le paysage qu’il admire tant et où ils aimaient aller.
« Car elle avait un but, un incroyable objectif qui mobilisait toutes ses pensées et des forces : ne pas le laisser crever là, lui qui aimait tant l’impolitesse du vent et les grands espaces »
« L’endroit était si pur que les astres semblaient se pencher sur la Terre et sur ses colonisateurs bornés, l’altitude rendais les étoiles grosses comme des galets, presque palpables. Allongés sur la mousse, une nuit d’été, Sali et Lo Meo s’étaient amusés à les collectionner entre le pouce et l’index réunis en pincette, bras tendus, bouches béantes, émerveillés devant l’espace infini. Puis ils avaient entrelacé leurs dix doigts ».
« Sali voulait juste le porter là-bas, lui offrir ce voyage ».
Ainsi, elle est devenue la Téméraire, celle qui se cachant de tout le monde a porté, au sens littéral du mot, Lo Meo vers leur jardin, son jardin. C’était leur moment, le dernier, l’ultime, à tous les deux. Une fois les yeux de son mari fermés définitivement, elle prévient ses enfants.
Maïa, habite loin de chez ses parents, depuis l’annonce de l’AVC, elle se soûle la nuit et emmène des mecs chez elle, juste pour se sentir vivante et retarder l’apparition de la bête, de la mort. Quant à Gabin, resté proche, il est là, se tient pas trop loin de sa mère, passe tous les jours.
Marie Westphal a mis des mots, des phrases sur mes peurs, sur MA peur, sur mon cauchemar ; voir mon mari partir avant moi, victime légumière d’un AVC. Avec ses mots, ses phrases, son écriture lumineuse, précise, ses descriptions poétiques sur la nature, elle a trouvé les mots justes, les phrases intenses pour parler de la fin de vie. Nonobstant l’émotion qui m’a submergée, j’ai aimé la façon dont l’auteure s’est emparée du sujet. C’est un premier roman maîtrisé et abouti.
Merci Marie Westphal.
Ce livre fait partie des 68 Premières fois et c’est un coup de cœur, même un coup dans l’estomac.

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