Où ailleurs que chez Crumley peut-on croiser dès la deuxième ligne un bulldog alcoolique du nom de Firewall Roberts?
Nulle part. L’ours texan, en paix reposant depuis 2008, écrivait comme peu et s’y entendait pour vos fabriquer du roman noir comme une caverne, rageur comme un ours, pas de ceux que Jean Lassalle croisa jadis, non, de l’ours brut, du vrai, de la bestiole de compétition.
Dans ce « dernier baiser », réédité joliment par Gallmeister, un privé part retrouver un écrivain à boissons et femmes, et finira, d’une baston l’autre, par tenter de retrouver une fille paumée.
C’est du brutal, comme dirait l’autre, pas du noir de série télé, pas de la coproduction franco suisse ou de l’analyse psychologique service public, non du noir avec des morceaux dedans, des douilles, des tronches, des coups, bons et mauvais, et du sang. De la vie.
Crumley embrasse son récit avec toute sa barbe et son imposant physique. Il est de ces auteurs franc du collier, qu’on devinait trinquant avec ses personnages, jusqu’à plus soif, jusqu’à ce que le dernier mot le jette hors du bar, peut-être plus très frais, mais toujours vrai.
C’est peu de l’écrire que d’écrire qu’on prend mille plaisirs à cette lecture là, qui défile devant nos yeux aussi sûrement qu’un orage d’été ou qu’une bagarre de fin de soirée.
« Je ne suis pas monstrueux , mais j’ai une bedaine de bière et le nez cassé, et les inconnues ne m’abordent jamais pour m’inviter de la sorte, mais comme on dit à cheval donné on ne regarde pas les dents. Et puis elle avait une petite bouche agile, et l’attitude franche et directe d’une femme de chambre. »
Vous ne pouvez être trompé : quand ça sonne comme ça, c’est la littérature qui résonne, au delà du noir, au delà du genre, un dernier baiser à pleine bouche qui sidère, sèche, emballe. Crumley, jamais mort.
