Le sommeil le plus doux
Anne Goscinny

Grasset
avril 2016
144 p.  13,50 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une douce mélancolie

On cueille Jeanne à Nice, à la descente de l’avion. Elle y accompagne pour trois jours sa mère, qui veut revoir sa ville natale une dernière fois, avant que le cancer qui la ronge depuis des années ne la dévore définitivement.

Sa mère, que Jeanne ne nomme pas (et l’on comprend à la fin seulement pourquoi), a pris une grosse valise alors qu’elle sait sûrement qu’au « prochain voyage, elle sera sans bagage ». Si la mort ne s’encombre pas, à l’inverse, Jeanne a voulu emmener avec elle sa grand-mère. Qu’importe si elle n’ a plus toute sa tête, son sourire ne sera pas de trop pour l’aider à tenir le coup. La vieille dame est venue avec son chandelier en argent à sept branches, une horloge en marbre et un couteau à pain, trois objets témoins du drame qui a emporté son enfance. Jeanne a besoin de cette aïeule qui a survécu aux pogroms, à la seconde guerre mondiale et à la mort de son fils pour affronter celle de sa mère. 

De Nice, la mère de Jeanne ne verra rien d’autre que les palmiers et le reflet de la mer aperçus depuis la fenêtre de l’hôtel. Elle qui rêvait d’admirer la Méditerranée n’a plus assez de force pour sortir de sa chambre. La douleur, qui lui tient lieu de compagne, ne la lâche pas un seul instant. Ni les médicaments, ni le vin rouge suffisent à noyer ses souffrances. Seul le sommeil, dans lequel elle se laisse glisser irrémédiablement, lui offre un peu de répit. Pendant que sa mère dort, Jeanne promène son chagrin dans les rues de Nice qu’elle connaît mal et l’assoit sur le banc d’un jardin public. C’est là qu’elle rencontre Gabriel, le matin de Noël. L’existence a de drôles de coïncidences: alors que sa mère perd la vie, Jeanne perd sa virginité avec « un esseulé du 25 décembre ». Le récit qu’elle fait des derniers jours de sa mère, alterne avec celui de Gabriel. Leurs voix tissent le fil d’une histoire qui ne s’éclaire tragiquement qu’à la fin.

Anne Goscinny signe un texte poétique empreint de nostalgie et de tendresse. Elle évoque avec une élégante pudeur la mémoire et sa horde de souvenirs perdus. Et décrit avec délicatesse la rageante impuissance d’une fille face au calvaire de sa mère adorée. Son récit file entre nos doigts comme les jours de la mère de Jeanne. La jeune fille les compte depuis qu’elle a treize ans à peine. De rémissions en rechutes, de rechutes en rémissions, les années ont passé, tour à tour gangrenées par l’angoisse et revigorées par l’espoir. Anne Goscinny les traduit fort joliment dans ce petit livre qui a le doux parfum de la mélancolie. 

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 Les internautes l'ont lu

« La mort est douce : elle nous délivre de la pensée de la mort. » Jules Renard

Jeanne revient à Nice avec sa mère et sa grand-mère (côté paternel). Sa mère y est née, elle revient y passer ses derniers jours avant que le cancer ne l’emporte définitivement. Mère et grand-mère resteront à l’hôtel (un hôtel à coupole…), garderont la chambre, l’une parce que rattrapée par la faiblesse de son corps et l’autre par la faiblesse de son esprit vaporeux. Vaporeuse, évanescente et poétique, la vie de Jeanne va le devenir avec la rencontre de Gabriel, sur un banc, qui voudra la revoir, l’emmener chez lui, explorer le caractère de cette femme qui n’en ai pas encore vraiment une, qui se cherche elle-même, qui cherche à grandir à travers la maladie de sa mère. A travers également la disparition prématurée et l’absence d’un père qui a presque fui l’état de santé de sa femme. Par évocations subtiles, par petites touches impressionnistes, Anne Goscinny dresse un tableau sans fard de la mère de Jeanne, de sa vie propre non-vie ou alors uniquement vécue par procuration à travers sa mère dont la beauté de l’âme et du cœur ne profitera à sa fille qu’une fois qu’elle aura disparu. Ce « Sommeil le plus doux » est un texte à lire et à relire pour appréhender les différentes couches que la peintre Anne Goscinny nous laisse découvrir, subtilement et de façon touchante. Comme pour accentuer ce côté vaporeux ou flou voulu par l’auteur, il est souvent question de fantômes dans ces quelques pages… de gentils fantômes qui ne font plus peur une fois qu’on est parvenu à les apprivoiser ! Un cours texte qui ne peut laisser indifférent mais dont le style peut parfois laisser le lecteur sur la touche, réclamant de sa part une attention qu’il faut pouvoir donner au moment même de la lecture au risque de passer à côté de quelque chose.

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le grand voyage

Une femme atteinte d’un cancer emmène sa fille, Jeanne, en voyage à Nice. Mais au lieu de profiter de la ville, la mère décline et passe son temps à l’hôtel. En se promenant, Jeanne rencontre un homme qui porte le prénom d’un ange: Gabriel. La voix de Gabriel vient s’insérer dans les pages de ce roman émouvant où les thèmes abordés sont ceux de la vie, de la mort, de la maladie mais aussi du mariage, de la transmission et de la mémoire. Dans un style sobre, Anne Goscinny navigue entre le passé et le présent pour évoquer la douleur de Jeanne; son « chagrin-fantôme ». Pourtant, il n’y a pas que de la tristesse dans cette fiction; il est heureusement question de la renaissance d’une femme portée par l’amour.

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