critique de "Le Train pour Varsovie", dernier livre de Gwen EDELMAN - onlalu
   
 
 
 
 

Le Train pour Varsovie
Gwen EDELMAN

Pocket
roman
février 2016
176 p.  6,50 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Le ghetto au cœur

Le wagon, dans lequel ils sont assis l’un en face de l’autre, traverse un paysage enneigé, immaculé. Mais leurs souvenirs à eux sont noirs, couleur cauchemar. Elle s’appelle Lilka, lui Jascha, ils reviennent à Varsovie, cette ville où ils se sont rencontrés, et qu’ils ont aimée, avant d’y être enfermés. C’est elle qui a absolument voulu y retourner, quarante ans plus tard. Jascha, son mari, n’y tenait pas. Mais la Maison des écrivains de Varsovie l’invitait à faire une lecture de son Å“uvre, le 9 décembre. Et pour Lilka c’était l’occasion inespérée de revoir la Pologne de son enfance et ce ghetto qui cadenassa leur jeunesse, mais abrita leur amour. On le sait, « partir, c’est mourir un peu ». Mais revenir ne permet malheureusement pas à Lilka et Jascha de ressusciter les plaisirs perdus. A chaque coin de rue plane l’ombre des morts, contre lesquels ils buttent lorsqu’ils osent enfin quitter le triste hôtel de Varsovie qui leur sert de refuge. A quoi bon sortir de leur chambre finalement ? Pourquoi donc retourner sur les lieux du crime ? L’envie et le courage manquent subitement à ces deux survivants. Alors c’est sous l’édredon et dans le bain, où l’eau chaude fait des caprices, que Lilka et Jascha laissent remonter les souvenirs funestes. Les bruits, la crasse, la mort de leurs parents, la première fois où ils se sont aimés, leur fuite, leurs peurs et l’odeur putride des cadavres. Lauréate du prix du premier roman étranger pour « Le dernier refuge avant la nuit », Gwen Edelman fait naître sous sa plume d’effroyables visions. Sous nos yeux effarés se déploient les rues du ghetto, les assassinats et la chasse aux juifs organisée pour distraire les touristes. Dans nos oreilles résonne le murmure glaçant de ces vieux amants, qui osent enfin se confier leurs lourds secrets, dans cette ville qu’ils ont tant aimée, qu’ils croyaient la leur, et qui ne l’est plus. 

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