Les Républicains
Cécile Guilbert

Grasset
février 2017
256 p.  19 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Les Républicains

Automne 2016, Thierry Ardisson célèbre à la télé la promotion 1986 de Sciences po. L’occasion pour deux anciens étudiants de se retrouver sur son plateau. Trente ans ont passé, et ils sont l’un et l’autre « au mitan fatidique de la cinquantaine ».

Retz contre Machiavel

Guillaume Fronsac, énarque et normalien, « pur produit de la méritocratie républicaine », banquier d’affaires, suppôt de Balladur, éminence grise courant la prébende, complote dans la coulisse des ministères. Quant à l’autre, c’est tout simplement « la fille en noir », écrivain. Le roman va les suivre de dix-sept heures à minuit dans leur déambulation parisienne au cours de laquelle, de Régina en Meurice, dans une ébouriffante danse des sept voiles, ils vont se confier, se défier, se séduire. Enrichissant son récit de formidables portraits (Ardisson, Copé, Balladur, etc), Cécile Guilbert donne la parole alternativement à ses deux personnages principaux, qui vont se livrer entre eux à une sorte de mano a mano, jouant la noblesse de l’écriture contre la fascination délétère du pouvoir, Retz contre Machiavel. Au name droping étourdissant de Fronsac (qui connaît le banc et l’arrière-banc du microcosme politique : Jean-Pierre Jouyet, Aquilino Morel, Alain Minc, Nicolas Bazire, Sarko, etc)) répond très sobrement l’amour de la fille en noir  pour l‘écriture : « La littérature a façonné mon existence (…), je n’ai pas eu ou voulu d’autre vocation, et aucune passion qui l’égale… »

Le risque de l’amour

Puis le soir tombe sur le quartier Rivoli où ses pas ont conduit le couple ; autour d’eux le terrorisme s’insinue, tandis que sombrent dans la nuit, avec les palais de nos rois devenus ceux de la République, des siècles d’histoire. Cécile Guilbert trouve alors des accents très convaincants pour exalter l’identité française dans ce qu’elle a de plus fragile, de plus menacée, et déplorer l’oubli de notre grandeur littéraire. Ces deux-là vont-ils poursuivre leur promenade nocturne, et s’éprendre l’un de l’autre ? Ce serait compter sans ces trente ans écoulés, qui leur font prendre soudain la mesure du temps. L’un et l’autre sont mariés désormais : Hortense attend Guillaume, et Nathan la fille en noir. Alors, n’est-il pas un peu tard pour prendre le risque de l’amour, qui leur permettrait de retrouver le goût d’un baiser ancien, échangé il y a trente ans, sur les bancs de l’école de la rue Saint-Guillaume ?

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