Lucie ou la vocation
Maelle Guillaud

Héloïse d'Ormesson
août 2016
199 p.  17 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

La foi éperdument

Lucie est une jeune femme de son temps, en classe de prépa littéraire, qui va se laisser submerger par une vague d’amour. Pas celle ressentie pour un garçon de son âge, mais pour Dieu. Attirée par une force plus grande qu’elle, Lucie entre dans une congrégation et prononce ses vœux. Autour d’elle, c’est la consternation : ni sa famille, ni sa meilleure amie, Juliette, ne comprennent ce choix radical qui l’isole du monde et font d’elle une ombre, recluse dans une communauté de sœurs.

Les religieuses ont aussi leurs faiblesses

Pourtant Lucie, devenue Marie-Lucie, exulte : la voie exigeante qu’elle a choisie, celle d’une vie au service de Dieu la sauve du vide, et le rythme immuable de la congrégation, son travail de novice comblent ses besoins spirituels. C’est oublier que les sœurs ne sont elles aussi que des êtres humains, avec leurs défauts, leurs faiblesses et leurs tentations. Ambition, guerre des ego, coups bas, jalousie et manipulation : le couvent n’est pas si éloigné du monde que Lucie a cherché à quitter et le don de soi au Seigneur est une route pavée d’humiliations et de renoncements. La congrégation serait-elle comme l’ogre des contes qui dévore ses enfants ? Lucie est-elle vraiment sûre de son choix ?

L’ombre d’un doute

Dans ce premier roman étonnant, l’éditrice Maelle Guillaud s’attaque à un sujet rarement abordé de nos jours : la vie dans les couvents et l’engagement mystérieux de jeunes femmes en quête d’absolu. Avec délicatesse et sensibilité, elle relate les joies de l’engagement comme ses innombrables difficultés. On songe au beau film  d’Alain Cavalier, « Thérèse » , sur le doute qui peut habiter ces novices et les secrets qui déchirent le quotidien de ces femmes cloîtrées mais aussi à l’actualité et à ces jeunes, mues par une ascèse qui peut se révéler terrifiante .

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 Les internautes l'ont lu
nuit blanche

Lucie ou la vocation… contrariée

Il en va de certains romans comme pour certaines spécialités culinaires : on n’est pas trop sûr de vouloir essayer tout en se disant que l’on passe peut-être à côté de quelque chose de délicieux. Je dois à la sélection proposée par les «68 premières fois» la découverte ce premier roman étonnant à bien des égards et qu’il ne me serait jamais venu à l’idée d’acheter. L’histoire d’une jeune fille qui choisit de consacrer sa vie à Dieu en entrant dans les ordres n’est à priori pas fait pour m‘enthousiasmer outre-mesure. Mais si le premier roman de Maëlle Guillaud mérite le détour, c’est qu’il est bien plus que cela. Au fil des pages la quête spirituelle va se transformer en enquête, l’amour de Dieu en une réflexion sur la «vraie» vie de cette communauté. Disons-le tout net, le livre est de plus en plus passionnant au fil des pages. Quand Lucie décide d’abandonner ses études supérieures pour «se marier avec Dieu», c’est l’incompréhension qui domine. L’incompréhension de sa famille, sa mère qui imaginait un tout autre avenir pour sa fille, sa grand-mère qui va la perdre à tout jamais, l’incompréhension pour son amie Juliette, qui va tenter à plusieurs reprises de lui faire changer d’avis : « Je dois la convaincre que la vraie vie est ailleurs. Dans les baisers, l’amour, la maternité, tous ces instants qui embellissent nos nuits et nous portent vers autre chose qu’une cellule austère et un époux qu’elle ne pourra jamais toucher. » L’incompréhension du lecteur aussi qui partage les interrogations de ses proches. Comment peut-on s’orienter vers un tel choix sans éprouver le moindre doute ? N’y-a-t-il pas quelque chose de l’ordre de l’emprise sectaire dans l’attitude des religieuses et du père Simon, un jésuite qui lui explique combien son engagement est merveilleux, qui explique à Julie que «le monde qui s’ouvre à toi est d’une beauté dont tu n’as pas idée», qui la pousse à tous les sacrifices. La jeune fille ne fera pas marche arrière : « Je me souviens, maman. Je t’ai vue tellement souffrir. Je refuse de commettre la même erreur. J’ai choisi la solitude. Je refuse de dépendre de quelqu’un. De me perdre dans le désir, dans tout ce qu’il a d’imprévisible, de sauvage. » Les premières semaines, les premiers mois de celle qui deviendra Sœur Marie-Lucie vont bien se passer. Elle s’engage totalement dans cette nouvelle vie, n’a de cesse d’apprendre, de tout partager pour l’amour de Dieu. Elle va jusqu’à trouver Juliette puérile dans son combat pour la faire changer d’avis. Les années passent et petit à petit un malaise s’installe. Car plus on s’élève dans la hiérarchie, plus on en apprend sur les principes de gestion d’une telle communauté, sur le caractère des mères supérieures et sur les petits secrets des unes et des autres. Et il y a là bien de quoi ébranler les certitudes. Comment posséder quelque chose quand on a fait vœu de pauvreté ? Pourquoi faut-il tout noter, quelles remarques peuvent faire des religieuses qui sont censées ne pas parler ? Quelle confiance accorder à une personne qui vous ment ostensiblement ? Vient alors pour Sœur Marie-Lucie l’heure de la remise en cause et pour nous, pauvres lecteurs, le basculement du roman d’une vocation vers un thriller au suspense haletant. Laissons le voile du mystère se lever et saluons la jolie performance de Maëlle Guillaud !

Retrouvez Henri-Charles Dahlem sur son blog 

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coup de coeur

De la complexité de la Foi

Que voilà un livre fort intéressant. La jeune Lucie souffre de l’ambiance des classe « prépa » Hypocrisie, mensonge, violence, feutrée peut-être, mais violence quand même. Attirée par Dieu, rendant sa mère folle de chagrin, sa meilleure amie Juliette effarée, elle entre dans une congrégation aux règles très dures. Elle a soif d’absolu et est certaine que son amour pour Dieu est inconditionnel et sincère. Mais il lui faut s’adapter aux règles du couvent, et le vœu d’obéissance aveugle ne lui est pas facile à respecter . Et puis c’est une jeune fille très intelligente, cultivée, qui si elle avait suivi la vie tracée depuis son enfance serait devenue peut-être une carriériste. Elle est soumise aux bassesses , à l’hypocrisie, voire à la perversité dans cette congrégation, en fait à la même chose que « dehors » , mais en devant tout accepter. La courte présence chaque mois de sa meilleure amie Juliette est un fil ténu mais solide avec son ancienne vie, et lors d’un moment très difficile à supporter, elle n’est pas loin de craquer. Mais sa foi certes, même si elle se dit qu’après avoir passé dix ans enfermée, la vie dehors ne lui offrira plus rien de valable, va l’aider à rester, peut-être aussi parce que lui est offerte l’opportunité d’être valorisée. Elle n’aura plus toujours la tête baissée, mais quel renoncement ! Les chapitres alternent avec la quête de Lucie qui éprouve un grand élan d’amour et d ‘absolu pour Dieu, et le chagrin de Juliette de voir son amie pleine de promesses s’éteindre à la vie. L’auteur n’émet aucun jugement, et c’est peut-être ce qui donne à cette lecture une grande puissance d’évocation. Les dernières pages tournées, on ne peut oublier Juliette.

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