Mille et un jours en Tartarie
Lyane Guillaume

Editions du Rocher
février 2017
416 p.  20,90 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Des histoires pour une part d’Histoire

La carte en début de l’ouvrage m’a permis de situer ce pays, ancienne province de l‘URSS. L’avant-propos passe allègrement du plov, plat typique, à la genèse du titre de ce livre.

8 mars 2014, Lyane Guillaume qui vit depuis plusieurs années en Ouzbékistan, à Tachkent, est invitée chez Goulia à partager un gap entre filles pour fêter les cinquante ans de Chirine, sœur de Goulia.
Sept femmes se retrouvent autour d’une table-buffet dont la description peut donner le tournis. Lyane est la seule française.
Entre deux bouchées et deux verres de vin, les femmes se racontent, non pas chacune son tour, mais dans un joyeux brouhaha. Rien de mieux que ses conversations pour apprendre l’Histoire d’un pays.
En URSS, l’avortement a été légalisé en 1920 sous Lénine. Il est considéré come un moyen de contraception. A sa grande surprise, ses amies y ont eu recours quelque fois ou trop souvent.
« L’avortement y était un moyen de contraception comme un autre mais je n’imaginais pas qu’en Asie centrale, terre d’islam, il fut aussi répandu ».
Ces femmes adorent Poutine.
« Pour elles, les Russes, et plus encore les Ouzbeks, ne sont pas mûrs pour la démocratie, et un régime à pigne est ce qui leur convient. »
Ce qu’elles redoutent le plus ? L’avancée de l’islamisme, menace très grave pour elles, femmes Ouzbèkes.
« J’en arrivais à comprendre la prudence de mes amies, leur attachement à ce régime autoritaire et paternaliste qui les préservait d’une déferlante islamiste comme celle qui avait assombri, après la mort de leurs dictateurs, l’Irak, la Syrie, la Libye, l’Egypte… J’en arrivais à ne pas juger surfaite leur admiration pour Poutine qui, en protégeant le régime d’Assad, avait créé un cordon sanitaire pour l’Asie centrale. »
« Goulia me l’avait répété maintes fois : pour « ces gens-là » (elle parlait des combattants de Daech, Boko Aram ou Al-Qaïda), nous les Ouzbeks, nous ne sommes pas de « vrais musulmans. Chez nous, muezzin n’appelle pas à la prière, les femmes ne sont pas voilées. Nous aimons la vie sous toutes ses formes. »
Et puis, il y a Rano, qui s’occupe des maisons de Loubia et Lyane. Sa famille la marie à un cousin peu fortuné car à vingt-cinq ans, les partis se raréfient et il est hors de question de rester célibataire… On ne lui a pas demandé son avis. Qui plus est, elle risque d’être reniée car, au bout de quelques mois de mariage, Loubia n’est pas enceinte. Un grand écart entre Tachkent et le reste du pays et les amies de Lyane « libérées ».
Tout au long de ce long repas, je suis le récit de ces femmes, le récit de la Tartarie. Car Lyane Guillaume intercale l’histoire de Bibi, reine de Tartarie, de Tamara, danseuse de renommée mondiale, le destin de la mer d’Aral tuée par la culture du coton, le séisme de 1966…
J’ai aimé l’esprit du makhala, comité chargé de la gestion, qui distribue les aides sociales, organise le scrutin lors d’élections, gère la vie quotidienne du quartier.
La culture, l’histoire, la gastronomie de l’Ouzbékistan sont la somme de toutes les invasions turques, grecques, arabes, perses… pour finir par l’URSS. Lyane Guillaume donne vraiment envie de découvrir ce pays qui parait si chaleureux.
Les Mille et un jours en Tartarie raconte des histoires douces et violentes, modernes et archaïques, tristes et drôles, un livre gourmand, coloré, épicé, une lecture comme je les aime distrayante où les histoires racontent l’Histoire.
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