Sanglier
Dominique Rameau

José Corti Editions
biophilia
janvier 2017
128 p.  14 €
 
 
 
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coup de coeur

Une semaine à la campagne

Dominique Rameau vient d’obtenir le Prix de la Page 112 pour ce premier roman qu’il publie à l’âge de soixante-dix ans : « Sanglier », ou le livre de l’étonnement philosophique face à la nature.

Lorsque Sybille, clerc de notaire en région parisienne, arrive par le car au hameau de L’Homme, dans les collines du Morvan, elle ne sait pas très bien ce qu’elle vient y faire, sinon que Maître Lachambeaudie, pour qui elle travaille, lui a prêté une maison le temps d’une semaine de vacances forcées, pour cause de chômage partiel. Egarée et apeurée par la solitude qui émane des lieux, Sybille loge donc dans cette vieille maison à l’abandon. Le lecteur ne sait rien de plus du personnage, rien de sa vie sentimentale, de sa vie quotidienne ailleurs, et débarque sur ce territoire inconnu en même temps qu’elle.

Une semaine, c’est court, pourtant c’est le temps qu’il faut à Sybille pour combattre ses peurs, s’émerveiller et avoir le cœur qui bat plus fort. Hardie, elle part à la découverte du pays qui l’entoure, et, sans être extasiée par la nature, elle est progressivement envahie de sensations. Elle écoute les cris des oiseaux, regarde les animaux, respire le parfum des foins, sent la pluie sur sa peau. Elle marche, elle s’allonge sur le sol, elle plonge ses mains dans les ruisseaux, elle s’égratigne aux ronces, accepte d’être perdue, traverse des ponts et retrouve son chemin. L’écriture de Dominique Rameau, proche de celle d’André Dhôtel, est à ras de terre, centrée sur l’observation des insectes, des herbes et des fleurs sauvages qui poussent le long des routes, une écriture du ciel et des nuages, de l’horizon barré par les collines ou les arbres. En même temps que s’opère une reconnaissance topographique, se dévoile une géographie intime lorsqu’advient une rencontre troublante et que Sybille ose la nudité. Voici un roman profondément sensoriel et sensuel, une parenthèse dans la vie d’une femme qui se révèle à elle-même sans grand bouleversement, mais remet d’aplomb quelque chose qui clochait.

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coup de coeur

Parenthèse morvandelle

Sa patronne, lui octroie, d’office, une semaine de congés. Pour faire passer la pilule, elle lui propose sa maison dans le Morvan. Maison de pierre qui a appartenu au Jean Lhomme et à l’Antoinette, lieu d’un crime sanglant, dans un hameau vidé.
Pour une parisienne pur jus, ce n’est pas évident. Elle y arrive par le car, enfin le car la dépose au hameau le plus proche. Elle fait le reste à pieds.
« On entend des oiseaux. Il ya beaucoup de fleurs au bord de la route… Pas de maisons, ni de voitures, ni personne. Sybille reste interdite ».
Commence une quête presque initiatique et très sensuelle, une ode au retour à la nature.
Son plaisir, hors les promenades, s’asseoir sur les marches du perron, écouter les oiseaux, les grillons. Elle rencontre les rares habitants, la boulangère du village voisin, sa « voisine » qui lui racontent l’histoire de ce lieu.
« Sybille Vanaen est profondément satisfaite d’être là, mais elle a peur »
Sybille profite de cette liberté pour découvrir son petit coin qui n’est pas loin d’être le paradis. Elle va s’ouvrir à la nature, à son environnement, essayer de ne faire qu’un avec son entourage. Elle marche à travers les forêts, les prairies, même pas peur de se perdre.
Elle marche de jour, de nuit, vêtue ou nue, elle respire les odeurs de la campagne, suit les oiseaux du regard, fait corps avec la nature à son apogée.
« Les hirondelles font de l’épate, elle lui effleurent les cheveux Fryy fryy kibutchipp »
L’écriture est très belle, les descriptions minutieuses emplies de poésie. Je ressentais le trouble de Sybille, un trouble sensuel, exquis et délicieux lors de ses promenades. Oui, la nature est sensuelle à qui se laisse caresser par les hautes herbes, les chants d’oiseaux, la course des nuages, la nuit sous la voûte céleste étoilée, le bruit du ruisseau et de sa petite cascade….
Sybille s’est laissée aller, à lâché prise, s’est ouverte telle une fleur, s’est mise entre les mains de Dame Nature. Je gage que cette semaine morvandelle laissera des traces dans son futur.
Comme Sybille, prenez le temps de déguster chaque instant, chaque mot. Prenez le sentier des mots, laissez le chant des oiseaux, des grillons vous pénétrer par la beauté de ce texte, vous arriverez dans la clairière des chapitres, écouterez la petite cascade vous murmurer les phrases… et ce sera le bonheur.
Un coup de cœur pour ce magnifique premier roman.
Sanglier est un hameau près de Villapouçon dans le Morvan. Un peu plus loin, il y a le village de Biches. Des coins à belles balades.

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