Un funambule
Alexandre Seurat

Editions du Rouergue
janvier 2018
96 p.  12 €
ebook avec DRM 8,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

Avec ce troisième court roman, je retrouve avec plaisir la plume particulière d’Alexandre Seurat, qui m’avait déjà séduite avec « La Maladroite ».

Le livre est très dense, écrit comme un seul chapitre avec une ponctuation particulière. Peu de respiration, faisant monter une tension, un mal être.. celui de notre narrateur.

C’est à la troisième personne du singulier qu’il s’exprime. Avec lui, on ressent son malaise depuis la perte de Solenne. J’aime beaucoup cette phrase de la quatrième de couverture : « C’est peut-être ça la vie : la sensation d’être toujours hors saison, abandonné depuis l’enfance à un monde flottant et douloureux. Funambule, il se sent entraîné dans une course à l’abîme, à laquelle il ne peut rien. »

Notre narrateur marche au dessus du vide comme un funambule, il cherche sa place dans la vie, la douleur étant intense ; la perte de Solenne, la difficulté de communiquer avec sa mère. A la recherche de sa place, de la bonne attitude, il est perdu, se sent continuellement agressé par le monde extérieur. Écorché, avec un sentiment d’abandon, sans attention, il essaie de faire de son mieux, de comprendre.

Avec de la poésie, comme souvent Alexandre Seurat nous parle de la noirceur, du vide intégral, de la difficulté de trouver un équilibre dans sa vie.

Par son écriture sans respiration, on entre en apnée et comprend le silence, le malaise prégnant du narrateur incompris de son entourage.

Une lecture que j’ai appréciée mais qui réclamait de l’exigence. Attention ce livre ne se lit pas d’une traite tant il est dense et lourd.

Ma note : 8/10

Les jolies phrases

Juste dormir, juste finir, essayer de ramener à soi les mots comme une couverture, dans l’espoir de se réchauffer.

Le monde se refermait sur lui comme un piège.

Mais lui n’avait que des blocs de douleurs dans les mains, qui ne composaient rien dont il aurait pu dire quoi que ce fût : c’était là, c’était tout, ça aurait dû suffire, mais ça ne suffisait pas.

Un funambule qui marche au-dessus du vide et qui avance lentement, en suspension, le vide immense dessous, le vide immense devant, la mort à quelques centimètres, est-ce qu’il a seulement peur ? Peut-être qu’il ne se rend même pas compte que la mort est là ?

La sensation du sable où ses pas s’enfouissaient péniblement, l’impression qu’il allait s’y engloutir. Il aurait bien voulu remuer la plage, la secouer, mais il y avait tellement de vide.

Des mots encore, toujours des mots qui le retenaient et le manipulaient, il n’avait jamais su comment sortir des mots.

Fantômes dont il a l’impression, malgré la vitre qui les sépare, d’être extrêmement proche. Loin de son père et des autres, quand il avance vers eux ses mains, leurs mains et leurs regards le suivent. Ces corps qui dansent de l’autre côté de la vitre sont si fragiles – si lourds.

Le moment où tout glisse, d’un point à l’autre, le fil qui tangue, le pied qui se déplace, le balancier lentement se penche d’un côté à l’autre.

Quelque chose pèse sur sa poitrine, qu’il ne peut pas identifier, il ne sait pas où appuyer pour que la douleur sorte : c’est un ressort qu’il ne peut pas détendre, alors il le tend.

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