Une vie sans fin: roman
Frédéric Beigbeder

Grasset
litterature française
janvier 2018
360 p.  22 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
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Une vie sans fin

Le mythe de l’immortalité remis à l’honneur par un authentique narcissique, F.Beigbeder. Ayant découvert le bonheur, et surtout celui d’être un vrai père, l’animateur de télé et écrivain transforme une enquête journalistique en roman, et ma foi, c’est assez bien réussi, le tout étant de ne pas quitter l’image que donne de lui ce noceur reconverti au bon air du pays Basque.
Et pour ne pas mourir, voilà notre homme, sa fille aînée sous le bras qui va bourlinguer d’une clinique suisse, à la recherche d’un généticien en Israel ( de très belles pages), en Autriche, c’est le laser qui va revivifier son sang, et puis Harvard, le séquençage du génome, le plus farfelu, du moins pour le moment, la fabrication d’organes par imprimante 3D. Et j’en passe.
En tous cas toutes ces expériences en cours ou à venir sont vertigineuses, et pour certaines donnent froid dans le dos.
C’est un ouvrage de vulgarisation de haut niveau tout de même, façonné en roman.
Le transhumanisme est en marche pour le meilleur ou pour le pire, F Beigbeder, prêt à tout pour vivre éternellement au début de son épopée en conclut : la mort est triste mais la non-mort est pire.
Comment ne pas penser dans un autre registre certes, aux « Intermittences de la mort » de José Saramago.

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Qu’est-ce que je me suis amusée à lire le dernier livre de Beigbeder ! J’ai trouvé qu’il illustrait parfaitement les fameuses phrases de Woody Allen : « Tant que l’homme sera mortel, il ne sera jamais véritablement décontracté. », ou « Je n’ai pas peur de la mort mais quand elle se présentera, j’aimerais autant être absent. »
Le personnage principal, Frédéric, est animateur du « chemical show » sur Youtube où il s’agit, après avoir demandé aux invités de piocher au hasard un cacheton dans un récipient (Ritaline, Methadone, Captagon, Xanax…), de s’engueuler, de gerber, de baver etc, etc… en public, évidemment.
Un peu fatigué de tout cela, un jour, notre animateur vedette prend conscience qu’il a atteint la cinquantaine et cet amer constat l’angoisse terriblement. Lui qui était plutôt fêtard, couche-tard, consommateur de produits illicites à gogo se rend compte qu’il a vieilli : « Jusqu’à 50 ans, on court dans la foule. Passé cet âge, on est un peu moins pressé d’avancer. Autour de soi l’on distingue moins de monde, et devant, un précipice béant. Ma vie s’est amenuisée. Je sens bien que mon cerveau est plus jeune que mon corps. Je me fais battre au tennis 6-2 par mon neveu âgé de douze ans. Romy sait changer les cartouches de mon imprimante ; j’en suis incapable. Je mets trois jours à récupérer après une soirée tequila. J’ai atteint l’âge où on a peur de se droguer : on sniffe des « pointes » à la place des « poutres » d’antan. On a tout le temps l’air coincé parce qu’on se retient de faire un AVC du visage. On boit des verres de jus de pomme avec des glaçons pour faire croire que c’est du whisky. On ne se retourne plus sur les filles dans la rue car on craint d’attraper un torticolis. Dès qu’on veut surfer sur la mer, on chope une double otite. Chaque nuit, on se réveille une ou deux fois pour aller uriner. C’est aussi cela les joies de la cinquantaine : si on m’avait dit qu’un jour j’attacherais ma ceinture de sécurité à l’arrière des taxis ! »
Dur est aussi de constater que les potes du même âge avec qui il faisait la teuf ont vieilli eux aussi : il les reconnaît à peine : « Ma génération est passée en un clin d’oeil de l’inconséquence à la paranoïa. J’ai l’impression que le changement a eu lieu en une nuit : soudain tous mes potes destroy des années 80 ne jurent plus que par la nourriture bio, le quinoa, le véganisme et les randonnées à vélo. »
Effrayant, non ?
52 ans… On bascule…
Et quand on n’a même pas l’aide de Dieu, il faut l’avouer, c’est plus dur de penser à la mort : « J’appartiens à la première génération humaine élevée sans patriotisme, ni orgueil familial, ni racines profondes, ni appartenance locale, ni croyance particulière… »
Donc, il ne reste qu’une solution : prendre son courage à deux mains et réfléchir.
Calculons, si vous le voulez bien. (Les jeunes, arrêtez de rire, vous y passerez vous aussi!) L’espérance de vie en France est de 78 ans, il reste donc à Frédéric (qui a fait le calcul comme un grand) « vingt-six ans, soit 9490 jours à vivre. » « Il faudrait m’inventer un calendrier de l’avent avec 9490 fenêtres à ouvrir. »
C’est bien de garder un peu d’humour mais je ne suis pas sûre que cette précision mathématique aide à vivre…
N’empêche que notre animateur vedette a pris une décision : il ne mourra pas (lui et sa famille… les autres, il s’en fout…) « Soyons clair : je ne déteste pas la mort ; je déteste ma mort. » OK, on a bien compris. Alors, clairement, que fait-on face à cette hécatombe car les chiffres sont là : « …59 millions de morts par an. 1,9 décès par seconde. 158857 morts par jour. Depuis le début de ce paragraphe, une vingtaine de personnes sont mortes dans le monde – davantage si vous lisez lentement… L’humanité est décimée dans l’indifférence générale. Nous tolérons ce génocide quotidien comme s’il s’agissait d’un processus normal. Moi, la mort me scandalise. Avant j’y pensais une fois par jour. Depuis que j’ai cinquante ans, j’y pense toutes les minutes. »
Et c’est là que notre Frédéric (vous verrez, on finit par bien le connaître!) décide de trouver LA solution : il prend ses cliques et ses claques et s’organise un petit tour du monde des spécialistes chargés de nous rendre (quasi) immortels et là, messieurs-dames, franchement, c’est très drôle (et en même temps, d’après ce que j’ai compris très sérieux, super documenté et tout et tout). Vous ne comprendrez pas forcément dans le détail toutes les explications sur le génome, les cellules iPS, la thérapie génique par CRISPR pour allongement des télomètres et régénérescence des mitochondries, le séquençage de l’ADN , les cellules souches etc, etc mais ne vous inquiétez pas, ce n’est pas grave ! On a l’impression d’être en pleine science-fiction mais je crois que c’est juste la réalité.
Bon, on commence par une visite chez le docteur Frédéric Saldmann (Le meilleur médicament, c’est vous… 550000 exemplaires vendus – vous en possédez bien un exemplaire, allez, avouez…), hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. Fred s’offre un check-up complet (vous aurez même une reproduction de son scanner coronaire… ah, les auteurs actuels se mettent à nu !) assorti de quelques conseils : prenez note. (J’avoue qu’après cette lecture, mon caddie s’est subitement métamorphosé – ça durera le temps que ça durera mais grâce à ce bouquin, ma vie se verra-t-elle prolongée de quelques années, qui sait ? Merci Fred !) Au programme, des antioxydants : radis, raisins secs, quinoa, clémentines, pamplemousse, ail, amande, citron, carottes, tomates, brocolis, fenouil, poireaux, courgettes, aubergines. Avec ça, je vous fais gagner 10 ans au moins !
Après ce qui est à notre portée (quoique…), on s’envole vers : Genève, professeur Stylianos Antonarakis (séquençage du génome humain) : « Là est la grande nouveauté : avec la génétique, on n’attendra plus d’être malade pour se soigner. Le génome est le Minority Report de votre corps. », puis on redécolle direction l’hôpital hébraïque de Jérusalem pour un RV avec le docteur Yosi Buganim : lui, son truc, ce sont les cellules souches embryonnaires. Tant qu’on est là-bas, autant essayer de se convertir : au choix trois religions, vous devriez trouver chaussure à votre âme. On refait les valises pour l’Autriche cette fois: clinique Viva Mayr, Maria Wörth – meilleur centre de détox AU MONDE –  je vous le dis tout de suite, financièrement, je ne pense pas que ce soit pour nous, enfin, pour moi en tout cas ! Des détails ? Détox digestive (on ne mange que des légumes), purge par ingestion de sel d’Epsom (selles fulgurantes précise l’auteur – merci de prévenir…), lavements du côlon, massages lymphatiques, stimulation électromusculaire, séance de respiration d’oxygène, thérapies nasales aux huiles essentielles etc, etc.
Bon, après ça, on n’est pas immortel mais ça rallonge un peu, paraît-il. (Tiens, je verrais bien le gars Woody Allen jouer ce rôle de névrosé frénétique, pas vous? Mais bon, c’est peut-être pas le moment, il a peut-être d’autres soucis !)
Allez, je vous laisse découvrir tout seul l’East River Lab de NY, le Wyss Institute de la Longwood Medical Area à Harvard, le Harvard Medical School de Boston, le Health Nucleus de San Diego en Californie. Là, comme vous l’aurez remarqué, je fais moins mon intéressante parce que point de vue explications, ça se corse… j’ai pas tout compris… Mais bon, vous voici armé pour vivre aussi longtemps que le rat-taupe nu, la baleine boréale et le singe capucin (qui vivent bien plus longtemps que leurs congénères, allez savoir pourquoi!)
Et puis, si rire permet de vivre plus longtemps, alors, la lecture de ce livre devrait vous allonger de quelques années la durée de votre existence : encore une fois, j’ai trouvé ce roman très drôle, j’ai appris (et oublié – Alzheimer?) plein de choses. Et puis ce Beigbeder (dont je n’avais rien lu), eh bien je l’ai trouvé fort sympathique – est-ce l’âge qui nous rapproche ? (comme m’avait dit un surveillant de mon collège que j’avais invité à me tutoyer : « Je ne peux pas, c’est générationnel… allez, prends-toi ça dans la tronche) – et même très touchant (le Fred). On dira ce qu’on voudra, je me suis bien amusée… par contre, depuis, les repas brocolis / blanc de poulet (sans sauce) font nettement moins rire les enfants…

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