Régine Deforges
Robert Laffont
septembre 2013
484 p.  22 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
Régine Deforges

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En septembre dernier, j’avais rencontré Régine Deforges, pour le magazine ELLE, à l’occasion de la parution de ses mémoires « L’enfant du 15 août ».

Celle qui fut libraire, éditrice et romancière, amoureuse et sulfureuse, mère de trois enfants, avait choisi la sobriété pour se raconter.

Il y a une émotion particulière à retrouver celle qui a vécu tant de vies, maintenant qu’elle a nous a quittés.

Pourquoi ne pas avoir écrit cette biographie plus tôt ?
J’aime beaucoup lire les mémoires, et c’est quelque chose qui me trottait dans la tête depuis pas mal de temps. J’ai toujours tenu mon journal et j’ai aussi conservé tous mes carnets de rendez-vous. Je me suis plongée dans cette documentation et me suis mise à écrire pendant trois ans, en commençant par le début, c’est-à-dire le 15 août, ma naissance.

A vous lire, on a l’impression que l’écriture de ce livre a été douloureuse.
C’est vrai. Cette balade à travers des choses que j’ai vécues, et donc revécues à cette occasion, a été parfois très difficile. Je ne suis pas blindée. Par moments, j’ai été tentée d’arrêter, je n’en voyais pas l’utilité, et surtout je me demandais qui ça allait intéresser.

Vous revenez notamment sur cet épisode du cahier volé qui a été déterminant.
Oui, j’avais quinze ans, et je tenais mon journal. On l’a trouvé et j’ai été obligée de le brûler. Cela a déterminé ce que je suis devenue. Je me souviens encore de ce sentiment d’immense solitude face à l’adversité.

De quoi êtes-vous le plus fière dans votre vie ?
Peut-être du courage que j’ai montré au moment des procès que j’ai eu pour avoir publié des livres érotiques. Et puis tout simplement d’avoir pu aider mes parents à la fin de leur vie, même si c’était normal.  

Vous avez exploré le métier du livre sous toutes les coutures: libraire, éditrice, représentante, romancière. Qu’avez-vous préféré ?
J’ai adoré être libraire. J’ai commencé au Drugstore des Champs Elysées au milieu des années cinquante, et me sentais comme un poisson dans l’eau. Puis j’ai ouvert ma propre librairie où je vendais des livres érotiques. Découvrir, transmettre… Ensuite, je suis devenue éditrice, et cela m’a passionnée aussi. Un métier que je n’ai jamais abandonné, même lorsque je suis devenue romancière.

En 1981, un ouragan appelé « Bicyclette bleue » a chamboulé votre vie. Comment l’avez-vous vécu ?
Le succès n’est jamais très bien accepté, et je crois que les gens n’ont pas compris que ce n’était pas qu’un hasard, mais le fruit de beaucoup de travail. Ma fille Léa était petite, et à part l’heure du goûter où je lui préparais des crêpes, je travaillais tout le temps. J’ai parcouru le monde pour mes recherches. Et puis la suspicion des gens, j’ai fini par m’assoir dessus! 

Envisagez-vous un onzième volume des aventures de Léa ?
De temps en temps, ça me traverse l’esprit. J’aimerais bien me pencher sur la guerre du Vietnam…

Vous avez une réputation sulfureuse, mais il faut reconnaître que vos méthodes de promotion peuvent étonner: poser nue pour son catalogue de livres érotiques par exemple ou faire dire une messe pour obtenir un Goncourt!
J’ai d’ailleurs pu constater, à cette occasion, que la nudité des femmes était très mal acceptée. Yvan Audouard, dans un article, avait supplié Claude Gallimard de ne pas faire la même chose! Quant à la messe, ça a été efficace: c’était pour que Jean Carrière, édité par Jean-Jacques Pauvert, mon compagnon d’alors, remporte le prix Goncourt. J’ai fait dire une messe avant, puis une messe d’action de grâce à Notre-Dame pour remercier après. Et le prêtre a accepté.

A la fin de votre livre, on sent une certaine tristesse à vieillir. Et pourtant, on peut écrire à tout âge, non ?
Oui, mais depuis que je suis tombée de vélo et me suis cassé une vertèbre, je suis toujours malade. Je peux écrire, mais je ne peux plus courir dans la rue. Je suis quelqu’un de très physique et lorsque mon corps ne répond plus, je suis perdue.

Et on découvre, ô surprise, que l’auteure de romans populaires, l’éditrices de livres érotiques rêverait d’être Henning Mankell  !
J’aime beaucoup les romans policiers et particulièrement ceux de Mankell effectivement. J’apprécie l’humanité qui se dégage de ses livres. Pour moi c’est le Simenon du Nord, il expose les faits, mais ne juge pas ses personnages. Alors oui, j’adorerais écrire un roman policer!

Propos recuillis par Pascale Frey

 

 
 
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