Jonathan Coe
traduit de l'anglais par Josée Kamoun
Gallimard
août 2019
549 p.  23 €
ebook avec DRM 16,99 €
 
 
 

l e   c  r  i  t  i  q  u  e   i  n  v  i  t  é 

Bruno Corty (Le Figaro) a choisi « Le cœur de l’Angleterre » de Jonathan Coe  traduit de l’anglais par Josée Kamoun, Gallimard

Après l’Angleterre pré-Thatcher dans « Bienvenue au club », l’Angleterre de Tony Blair dans « Le Cercle fermé », Jonathan Coe nous offre dans « Le Cœur de l’Angleterre » celle des années Cameron. Après l’IRA et l’Irak, le gros problème des Anglais a pour nom Brexit. Point commun aux trois désastres : la famille Trotter, leurs conjoints, amants, amis, copains.

Soyons clairs : il est inutile d’avoir lu « Bienvenue au club » ou «  Le Cercle fermé » pour apprécier « Le Coeur de l’Angleterre ». Pour les fans de Coe, la question ne se pose même pas. Ces romans sont de purs bijoux dans lesquels le romancier anglais montre toute l’étendue de son talent de chroniqueur à l’ironie féroce. Un écrivain capable aussi de tendresse pour ses créatures de papier plongées dans un monde qui les dépasse et les bouleverse.

Le sujet de Coe ?  Les années Cameron mais, plus largement, cette décennie 2010 riche en évènements : émeutes à Londres, liesse des Jeux olympiques, attentats islamistes et ce référendum du Brexit, qui a accouché en 2016 d’un feuilleton toujours d’actualité. La famille Trotter symbolise les malaises du pays. Le patriarche Colin vient d’enterrer sa femme et ne s’accroche à la vie que pour pouvoir dire NON à l’Europe. Sa soeur Loïs ne se remet pas du traumatisme consécutif à l’explosion d’une bombe de l’IRA dans un pub qui coûta la vie à son fiancé. Le fils de Colin, Benjamin, vit dans le regret d’une histoire d’amour d’adolescence et poursuit depuis des décennies l’écriture d’un roman-fleuve qu’il ne parvient pas à terminer. Sa nièce Sophie est une brillante universitaire rattrapée par le politiquement correct. Elle aussi a connu un épisode amoureux intense, à Marseille, qui a laissé des traces. Le destin va la mettre sur le chemin d’un homme fruste dominé par une mère acariâtre et raciste. Marié à une femme riche, Doug, le copain d’enfance de Ben, est chroniqueur politique de gauche. Il suit les manoeuvres tordues de David Cameron.

Familles, couples, voisins, le Brexit, comme une balle perforante, déchire tout sur son passage. L’ennemi, c’est l’autre qui ne pense pas comme moi et donc pense mal. Politique, sexe, littérature : Coe fait feu de tout bois. On s’étrangle de rire et, au chapitre suivant, on a du mal à retenir ses larmes. Sphère privée, sphère publique : le romancier s’incruste partout et fait son miel de tout, grâces et disgrâces, pour donner un tableau saisissant de son temps.

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