Débordements. Sombres histoires de football, 1938-2016
Olivier Villepreux, Samy Mouhoubi, Frédéric Bernard

Anamosa
mai 2016
272 p.  17,50 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Et 1, et 2 et 3 zéro !

Le sous-titre du livre n’est pas « sombres histoires de football » pour rien. A double sous-titre, dirai-je ! D’abord parce que chacun des treize récits de ce livre est assez sombre pour mériter de devenir un roman noir ou un polar digne de ce nom à lui tout seul. Ensuite parce que ces histoires de football s’inscrivent aussi parfois dans l’Histoire et que le football, par sa popularité et son populisme, est parfaitement approprié pour faire ressortir l’âme (in)humaine de personnes qui ne font que refléter l’état de nos sociétés à un moment donné. En inscrivant ces drames dans une chronologie allant de 1938 à 2011, les auteurs nous proposent ainsi de regarder l’évolution de nos sociétés à travers une lorgnette originale tout autant qu’universelle. Les deux premières histoires touchent évidemment de près la Seconde Guerre Mondiale : de l’héroïsme fatal de Matthias Sindelar (Autriche, 1938), surnommé le Mozart du football, refusant le diktat imposé par les dirigeants allemands qui exigeaient un match nul entre l’Allemagne et l’Autriche pour marquer l’annexion de la seconde par la première et souligner la proximité des deux peuples, à la vie de truand gestapiste d’Alexandre Villaplane (France, 1944), jugé et fusillé pour collaborationnisme aigu autant que pour les nombreuses exactions et pléthoriques détournements de fonds auxquels il s’est livré. Je pourrai vous faire un résumé des autres récits (en fait je vais vous le faire quand même mais à la fin) mais ce qui apparaît le plus crûment dans la plupart des histoires c’est cette propension de l’être humain, par nature, par prédisposition, par fatalité, par les circonstances (sans leur chercher pour autant des excuses), à sombrer dans la noirceur, dans la manipulation, dans la perversité parfois juste dans la bêtise la plus crasse. Et pourtant il y a aussi de nobles êtres qui se cachent dans certains des récits. Mais la plume des auteurs ne tombe jamais ni dans l’angélisme ni dans l’acharnement aveugle ou l’accablement. Que ce soit à travers Edouard Streltsov (URSS, 1957), fauché en pleine gloire pour avoir voulu, même inconsciemment, transcender la masse et le parti pour affirmer son unicité, « monstre d’égoïsme » dans une société qui condamnait l’individualisme, ou Tony Adams (Angleterre, 1990), le repenti magnifique après avoir sombré dans l’alcoolisme, il n’y a rien de tranché, il n’y a rien de définitif, il n’y a rien de manichéen dans les récits : chaque personnage reste malgré tout, malgré les circonstances et malgré ses propres penchants naturels, responsable de ses actes, en bien comme en mal. Les auteurs livrent donc des histoires toutes en nuances et couvrent toute la palette des couleurs de l’âme humaine, les mélangeant au gré des récits choisis avec soins. Avec d’autant plus de soin que certaines de ces histoires vont au-delà du simple fait divers (Bruno Fernandes das Dores de Souza (Brésil, 2009) qui a fait assassiner sa maîtresse enceinte de ses œuvres ou Breno Vinicius Rodrigues Borges (Brésil, 2011) qui sous l’emprise de l’alcool a mis le feu à sa maison munichoise, déraciné qu’il était dans un club qui n’a pas su prendre en charge sa détresse) pour marquer un état de déliquescence de notre société qui pose de nombreuses questions notamment sur le regard critique que nous devrions porter sur cette société et ses indignes représentants, autant de remises en cause dont nous sommes incapables (Jean-Pierre Bernès (France, 1991) qui a trempé activement dans les magouilles de l’OM mais qui reste, malgré tous ses agissements, une personne incontournable du foot français, un peu comme si un Balkany se faisait réélire au premier tour à chaque élection malgré toutes les casseroles de magouilles qu’il traîne derrière lui). Bref, pour tout ce qu’il dévoile de nous-même autant que de notre société, ces débordements sont « hotement » recommandables, à la croisée des sciences humaines et du roman noir. Pour ceux que je n’ai pas abordé plus haut : • Rachid Mekhloufi (Algérie-France, 1958) : a fait partie de l’équipe fantôme d’Algérie et a déserté, comme beaucoup d’autres de ses coreligionnaires, le club français où il jouait pour porter le drapeau de l’Algérie libre sur le champ de bataille du sport • Myon Rye-hyun et Kim Jong-hun (Corée du Nord, 1966-2010) : les entraineurs des équipes de Corée du Nord qui, chacun pour des raisons diamétralement opposées, ont disparu des écrans du jour au lendemain • Ramón Quiroga (Argentine-Pérou, 1978) : partie prenante dans le match arrangé du Mondial 78 dans un match que l’Argentine devait gagner par 4 buts d’écart pour passer devant le Brésil et se qualifier pour la finale et qu’elle a finalement remporté 6-0 • Željko Ražnatovi?, dit  » Arkan  » (ex-Yougoslavie, 1990) : la figure emblématique du mélange nauséabond entre football et racisme extrémiste, accusé de crime contre l’humanité et assassiné avant la fin de son procès • Godwin Opkara (Nigéria-Belgique-France, 2005) : le footballeur écrasé par sa femme qui tenait leur fille adoptie en esclavage pendant que Monsieur partait jouer au quatre coins ou presque de la planète (et pas innocent d’abus sexuels sur cette même fille adoptive…) • Luciano Moggi (Italie, 2006) : le grand organisateur du scandale des matchs truqués en Italie où, par opposition à la France et l’affaire des matchs de l’OM, pour le coup, le ménage a été fait de manière un peu plus radicale

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