Un gentleman à Moscou
Amor Towles

Fayard
litterature etr
août 2018
576 p.  24 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Prisonnier à perpétuité

Le livre s’ouvre sur un poème du Comte Alexandre Ilitch Rostov, publié en 1913. Puis, vient le compte-rendu de la comparution du même Comte, le 21 juin 1922, devant un tribunal du peuple, pour ce même poème. Il risque le peloton d’exécution. Heureusement, quelques camarades bien placés, appréciant ledit poème, font qu’il est assigné à résidence dans le Metropol hôtel où il séjourne. Las, il ne pourra JAMAIS en sortir sous peine d’être immédiatement exécuté. Bien entendu, il ne séjournera pas dans sa suite, le 217, mais au 5ème étage dans une chambre mansardée minuscule, avec quelques uns de ses meubles.
« Les bolcheviques, férocement déterminés à refondre l’avenir dans un moule façonné par leurs propres soins, n’auraient de cesse qu’ils n’arrachent, ne brisent et n’effacent jusqu’aux derniers vestiges de sa Russie à lui ».
Son état d’esprit, son éducation le poussent à trouver le positif dans sa nouvelle vie. Il va, avec sa nouvelle amie, une gamine de neuf ans, Nina, qui change toute sa ligne de vie, explorer le grand hôtel de haut en bas.  Juste avant son départ de l’hôtel, Nina lui offre le passe qui ouvre les portes du haut en bas de l’hôtel. J’ai apprécié le respect qu’il a envers « le petit personnel ». D’ailleurs, pour donner un sens à sa vie, il devient serveur en chef et met tout son art à bien servir les clients, sans ostracisme, ni se rabaisser. C’est ça la classe ! Avec le chef, un français et le maitre d’hôtel, ils forment un trio de choc, féminisé par la grâce et la complicité de Nina, Sofia et Marina.
Alexandre donne des cours de civilisations française, anglaise, américaine à une huile bolchevique, Ossip. Une amitié naît qui va au delà des divergences politiques et permet des échange savoureux.
« Les américains et nous serons les seules nations à avoir appris à balayer e passé plutôt que de nous incliner devant lui. Seulement eux ont agis de la sorte au nom de leur cher individualisme, alors que nos efforts à nous sont au service du bien commun. »
Un beau, ou plutôt, mauvais jour, Nina lui confie sa fille, Anna. Son mari est emprisonné en Sibérie, décide de le suivre, trouver un logement et revenir chercher la petite. Sauf qu’elle ne revient jamais et que de oncle Alexandre, il passe au statut de papa
Le roman est découpé en chapitres, successions de petites histoires qui jalonnent les trente années que durent l’assignation à résidence d’Alexandre Ilitch Rostov.
S’il ne peut sortir humer l’air du temps, Alexandre en ressent les soubresauts, les changements ; celui du directeur un bon soviétique comme l’entend le Politburo . Les réunions, tables en U, remplacent les bals donnés dans la salle des fêtes de l’hôtel, l’accordéon et les chants révolutionnaires ont supplanté les orchestres de musique de chambre ; Camarade est utilisé d’office, interdiction de dire monsieur le comte ou madame… Le dîner avec Khrouchtchev est raconté avec toute la malice d’Amor Towles
A l’instar d’Alexandre, Amor Towles écrit avec une grande élégance, bienveillance, humour. Je n’ai pas ressenti de haine face au pouvoir bolchevique mais une recherche de l’âme russe avec toutes ses contradictions. J’ai ressenti la pression politique, l’oppression, le manque mais également la débrouillardise, une certaine résistance, ne serait-ce que dans l’attitude du comte.
Amor Towles, sous les lambris dorés du Grand Hôtel me fait vivre l’arrivée du socialisme, puis du totalitarisme russe avec élégance, malice, retours en arrière vers le passé et les fastes de la vie d’avant et les couloirs du Grand Hôtel.
Les dessins de la  très élégante couverture sont un condensé de la vie d’Alexandre Ilitch Rostov.
Un coup de cœur que je dois au blogue de Nicole
Retrouvez Zazy sur son blog 

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