Chers voisins
John Lanchester

Traduit par Anouk Neuhoff et Suzy Borello
Points
Feux croisés
octobre 2013
666 p.  8,90 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

« Nous voulons tout ce que vous avez »

Certains romans donnent envie de rencontrer leur auteur. Je ne connais pas John Lanchester. D’ailleurs, en France, personne ne connaît John Lanchester, et c’est bien dommage. D’abord parce qu’il est un grand spécialiste de football et que cela pourrait plaire à certains. Ensuite parce qu’il est critique culinaire et qu’il nous emmènerait certainement dans un bon restaurant. Enfin et surtout parce qu’il est romancier et que « Chers voisins » est un livre sensationnel. En parcourant ces quelque 600 pages, on repère l’humour et l’ironie de l’auteur. Il doit être pince sans rire, il doit être « so british ». Oui, vraiment, on passerait bien un moment avec lui.

John Lanchester a situé son roman dans une rue comme il en existe beaucoup à Londres : Pepys Road. Elle fut habitée au début du siècle par la classe ouvrière, puis par la classe moyenne. Avec ses maisons vilaines mais spacieuses, elle abrite à présent la upper class, entendez ceux qui ont les moyens de s’offrir de telles demeures dans l’une des villes les plus chères d’Europe.

Petunia, adorable vieille dame, est loin d’être milliardaire, mais elle vit depuis l’enfance dans cette maison héritée de ses parents. Pas riche non plus le sympathique épicier pakistanais, Mohammed, bien intégré mais obligé d’endurer les sarcasmes de ses deux dilettantes de frères. L’un de leurs voisins est Roger Yount, banquier débonnaire, un rien naïf, incapable d’affronter sa redoutable épouse Arabella, dépensière professionnelle. Incapable surtout de voir venir le cataclysme: nous sommes en 2007, un an avant la crise économique. Un très jeune footballeur sénégalais, futur immense champion, s’installe aussi à Pepys Road avec son père, loin, très loin de son pays natal. Il devrait devenir un joueur comme on en voit un toutes les décennies mais n’est-il pas qu’un gamin à peine sorti de l’enfance ? Et puis, il y a tous les autres : le courageux ouvrier du bâtiment polonais, la jolie nurse qui fait tourner les têtes, la fille de Petunia qui culpabilise sans cesse, la contractuelle sans papier, émouvante et intrépide…

Un beau matin, tous les habitants de la rue reçoivent un courrier anonyme : « Nous voulons ce que vous avez ». Drôle de menace. Qui donc voudrait du mal à ces Londoniens tranquilles ? D’autant qu’ils ont d’autres soucis en tête: tous vivent un moment clé de leur existence et la paisible Pepys Road devient le théâtre des malheurs des uns, des mésaventures des autres.

C’est donc cela la vie londonienne que beaucoup jalouse ? L’Angleterre ne serait pas ce pays rêvé, cette nation solidaire et économiquement solide ? John Lanchester raconte les problèmes sociaux, les ratés de l’immigration, les difficultés des riches et des pauvres. Un monde qui change. Il le fait avec énergie et sens du rythme. Et il éprouve tant de tendresse pour ses personnages – avouons qu’ils sont tous irrésistibles – qu’on quitte Pepys Road avec regret…

partagez cette critique
partage par email