Le feu follet ; suivi d'Adieu à Gonzague
Pierre Drieu la Rochelle

Gallimard
Folio
1972
185 p.  5,70 €
ebook avec DRM 4,99 €
ebook avec DRM 5,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
o n  l  a  r e l u

on vit mieux mort

Dans quarante-huit heures, Alain Leroy mettra fin à ses jours. Quarante-huit heures pour tenter une dernière fois de se raccrocher à la vie, au tangible, alors que toute chose, tout être, semblent lui glisser entre les doigts comme un mince filet d’eau. En s’oubliant dans les bras d’une femme d’abord, une Américaine de passage à Paris qui l’abandonne à l’aube, un chèque de dix mille francs en guise d’ultime baiser. Puis en errant dans Paris au gré des rencontres et des dîners mondains, la drogue comme unique compagne – la seule fidèle. Le désir d’écrire l’effleure un instant, mais non, trop furtif, le délaisse. Il rend alors visite à son ami Dubourg, le compagnon des quatre cents coups, prend part au soliloque d’un écrivain dissertant sur l’opium et le courage, puis dîne chez les Lavaux entre gens du monde, où il est pris à partie par Brancion qui moque sa faiblesse, l’humilie aux yeux de ses anciens amis, l’achève socialement. Le lendemain : « Je me tue parce que vous ne m’avez pas aimé, parce que je ne vous ai pas aimés… Je laisserai sur vous une tache indélébile. Je sais bien qu’on vit mieux mort que vivant dans la mémoire de ses amis. Vous ne pensiez pas à moi, eh bien, vous ne m’oublierez jamais ! »

« Le Feu follet », c’est donc l’histoire d’un homme qui ne peut plus être sauvé et qui marche vers son suicide, conscient de sa fin prochaine. Une histoire sans autre grâce que celle, immense, d’une plume classique, élégante, à l’intransigeance forcenée, à la désinvolture séduisante. Une histoire inspirée de la mort de Jacques Rigaut, poète, dandy, ami intime de Drieu, mais également de tout ce que son auteur, lui-même suicidé en 1945, pouvait mépriser en lui. A la lecture de ce court roman, on imagine combien il a dû lui en coûter de l’écrire… Si Drieu n’épargne en rien son personnage, un raté vivant aux crochets de ses maîtresses, dépendant et vénal, à mille lieues du désespéré romantique et sublime, il égratigne également la société bourgeoise contemporaine, vouée à la décadence et à l’inaction. Contre la volonté individuelle à laquelle il ne croit plus, Drieu s’en remet aux « tyrannies montantes » (le fascisme, le communisme) auxquelles sa réputation d’écrivain est encore malheureusement réduite. La dernière page tournée, nous nous consolerons avec la parfaite adaptation de Louis Malle, offrant son plus beau rôle à un Maurice Ronet, éblouissante incarnation d’un personnage à bout, s’étiolant sous nos yeux, sur les notes lancinantes des Gymnopédies et des Gnossiennes.

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