Le puits
Ivan Repila

Traduction de Margot Nguyen-Béraud et préface de Zoé Valdès
10
octobre 2014
123 p.  6,10 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
nuit blanche

Imaginons que le Petit Poucet et son frère aîné soient enfermés dans un puits, sans aucun moyen d’en sortir, sans nourriture (le sac à provision posé dans un coin est destiné à leur mère et ils n’y toucheront pas). Regardons les se débattre pour survivre : creuser les parois de terre du puits pour y dénicher quelques insectes, trouver de l’eau, essayer de grimper pour sortir, passer le temps, essayer de ne pas devenir fou. Si les premiers jours, ils ont crié à se casser la voix pour que quelqu’un les entende, ils finiront pas comprendre qu’il n’y a personne, à part une meute de loups qui vient rôder, et que l’ombre humaine qui se penche furtivement de temps en temps au-dessus du puits ne leur sera d’aucun secours, bien au contraire. Le Grand fera tout ce qui est en son pouvoir pour que le Petit survive et s’en sorte. C’est dans la haine qu’il porte à leur mère, qu’il trouvera ses dernières forces pour faire sortir son frère et que s’accomplisse leur vengeance. Ce très court roman (à peine 120 pages) m’a été très pénible à lire. Ce n’est pas le style de l’auteur mais le sujet en lui-même. Je n’ai pas réussi à prendre de la distance, certainement à cause de ma pratique professionnelle qui m’amène à rencontrer parfois des mères loin d’être bienveillantes avec leurs enfants.

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coup de coeur

D’un enfermement qui révèle les identités

Dans ce puits, il y a un escalier en bâtons de réglisse, des fleurs qui parlent, une tour de nuages, une routine de peurs et d’espoirs. Un sac contenant une miche de pain, des tomates séchées, des figues et un morceau de fromage. Ou alors rien d’autre que des vers, de la terre, du silence. Et parfois un oiseau.
Le puits est tantôt un pressoir, tantôt un cercueil, tantôt un entonnoir qui distille les fantasmes. C’est un piège autant qu’un refuge. Qui ne cesse d’éprouver la capacité de résistance des deux frères tombés dedans on ne sait comment.

Les jours qui passent font venir la faim et la soif, la fatigue et la lassitude, la fièvre et les aveux, le désespoir qui détruit toute forme de communication. Au fond du puits, l’humanité est ramenée à ce qu’elle a de plus bestial.
Les deux frères deviennent des hommes. Et, de la rivalité au soutien, de la manipulation à la tendresse, de la haine à l’amour, donnent à voir tous les visages de la fraternité.
Mais la folie rôde et elle pourrait bien causer des dommages irréparables…

Dans ce premier roman remarquable, inclassable et inoubliable, Iván Repila raconte un enfermement qui révèle les identités, les imaginaires et les liens entre deux êtres. Il campe deux frères déterminés à survivre, forts différents mais qui se rejoignent dans la dignité, le refus de capituler, l’envie de faire justice et d’obtenir réparation.

L’écriture est âpre, brute, et mise au service d’une imagination débordante, d’un univers fantastique qui font naître des mondes en quelques mots seulement.
Le puits et ce livre ont ceci de commun qu’on en sort comme d’un mauvais rêve. Mais pour le lecteur, il s’agit d’un mauvais rêve dans lequel il n’hésitera pas à retourner et à inviter des tiers.
Un premier roman révélation, une claque – et un puits d’idées.

Retrouvez Sophie Adriansen sur son blog 

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