Le Soleil à mes pieds
Delphine Bertholon

Le Livre de Poche
août 2013
168 p.  5,90 €
 
 
 
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coup de coeur

Un roman entre ombre et lumière

Ce roman étrange de Delphine Bertholon m’a totalement embarqué dans cet univers où se côtoie deux personnages féminins: la Petite et la Grande. On comprend que leur relation est dysfonctionnelle, suite à un évènement de leur passé et que la Grande, domine, tyrannise sa jeune sœur. L’une à 22 ans, l’autre 24 ; l’une a du mal à s’intégrer, elle veut s’effacer malgré son physique attirant, l’autre veut prendre toute la place. La Grande est infirmière au Samu, elle parle fort, s’invite chez sa petite soeur et la bouscule. La Petite est touchante, dans sa volonté de s’effacer, dans son obsession de la propreté, son incapacité à dire non. Elle se compare à une grande girafe maladroite qui ne connait pas les codes de notre société. Peu à peu, une suite d’évènements va faire exploser ses codes et cadres habituels, des rencontres et un objet particulier : une paire de sandalettes dorée qui lui rappelle sa mère. J’ai aimé la fragilité, le mode de fonctionnement de la petite, son envie de bien faire, puis son évolution dans la dernière partie du roman. Son mode de pensée est originale comme sa volonté d’essayer de se trouver une place loin de sa sœur. La Grande est plus complexe, détestable au début et au fur et à mesure de l’intrigue, de la découverte de leur passé commun ; on la trouve finalement terriblement humaine dans la dernière partie. Les 2 personnages complexes, loin d’être manichéens réagissent tous les deux différemment à un choc traumatique de leur enfance. On retrouve la relation particulière au corps qui m’avait plu dans le dernier roman de l’auteur. L’importance des sensations, émotions notamment ce soleil, ces souvenirs qui ressurgissent dans la tête de la Petite. L’importance aussi des odeurs, une atmosphère anxiogène dans les cauchemars récurrents de la Petite qui m’ont évoqué les climats parfois d’épouvante des films d’horreur. L’auteur traite de manière originale, une histoire qui aurait pu être banale mais dont la construction en puzzle, les allers retours et l’évolution des personnages tiennent en haleine. Elle réussit dans la dernière partie du récit à nous emmener ailleurs, tout en gardant une humanité à chacun de ses personnages. J’ai eu l’impression d’être dans un film avec cette importance des détails, notamment des lieux : la chambre de bonne de la petite, l’appartement dépotoir de la grande, la chambre de la mère, le café. L’auteur réussit le tour de force de nous embarquer dans cette histoire d’une domination originale entre sœur, une plongée dans les traumatismes de l’enfance sans pourtant être dans le pathos et l’horreur. Un récit original, émouvant, qui gagne en intensité et qui m’a envouté. J’ai passé 3h de lecture hors du temps, en ayant peur et en espérant pour la petite, en détestant puis en comprenant mieux la grande. Jusqu’au très beau dénouement poétique. Je suis donc à nouveau conquise par la plume sensible de l’auteur qui a réussit à me faire m’évader et me surprendre. Donc n’hésitez pas à découvrir le soleil à mes pieds, la musicalité, l’alternance entre ombre et lumière de ce texte, ses personnages atypiques vous accompagneront longtemps.

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coup de coeur

Un roman aussi singulier qu’envoutant

Avec Le soleil à mes pieds Delphine Bertholon poursuit son exploration minutieuse des rapports familiaux et de leurs secrets, et c’est avec bonheur que l’on retrouve ce style rythmé, saccadé, cette façon de partir du trouble, du sombre pour lentement aller vers -si ce n’est de la légèreté- une situation plus claire et plus limpide, cette façon d’écrire, d’appréhender le monde est une véritable « signature vocale ».

Si l’on n’ira pas jusqu’à qualifier ce roman de conceptuel, il n’en relève pas moins un véritable pari stylistique. Delphine de Bertholon est en effet passée maître dans l’art de jouer avec les mots, chaque terme est pesé, aucun d’eux n’est superflu. Tout dans l’écriture n’est que nécessité. Une écriture métaphorique qui envoute le lecteur, le prend par la main et l’accompagne dans cette lente descente vers le trouble, l’indicible.

L’auteur prend en effet son temps pour donner à comprendre au lecteur cette relation forte, presque mortifère qui lie ces deux sœurs : la Grande et la Petite. Dès les premiers paragraphes, l’on sent rôder la folie, pourtant rien n’est dit, tout est suggéré, et c’est bien là, la force de Delphine Bertholon.

Sans qu’il s’en aperçoive le lecteur est pris dans les filets de l’auteur et il se laisse asphyxier volontairement par des mots forts, des juxtapositions qui lèvent doucement le voile sur l’histoire de cette jeune fille dépressive de vingt-deux ans que son ainée devenue quasi folle suite à un traumatisme de l’enfance, violente parfois physiquement, vide de toute sa moelle, phagocyte. La petite survit plus qu’elle ne vit, vider par son obsession de la propreté, se lavant constamment pour se débarrasser de l’odeur de la mort, pour ne plus être, pour disparaître. La vie l’ennuie, elle considère le monde comme froid, sale, hypocrite, indigne d’intérêt, tandis que la grande s’agite, se remplit, gueule…

Jusqu’au moment où tout bascule où, la Petite pour la première fois émet un désir, désire « être », oh certes de manière subreptice, elle ne le sait pas encore, mais elle veut ressentir, éprouver la vie. Et c’est là que tout ce roman à la trame sombre, presque barrée commence à basculer. La vie va peu à peu reprendre ses droits, et dès lors le lecteur ne peut que se demander de ce qu’il adviendra de la Grande celle qui se repait, qui se nourrit du désespoir et de la Petite.

Le soleil à mes pieds est un roman singulier, envoutant qui brille par son écriture, et par son climat particulier, s’il ne fallait lui trouver qu’un seul défaut, ce serait de ne pas être descendu encore davantage dans la noirceur de l’âme, mais peut-être alors le climat aurait-il été trop lourd.

On ne peut que conseiller de découvrir ce roman qui détonne vraiment parmi tous les livres qui paraissent en ces temps de rentrée littéraire. Le soleil à mes pieds se révèle en effet un roman atypique, non formaté, dénué de tout stéréotype, une véritable bouffée d’oxygène…

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Le soleil à mes pieds

Voici un des romans de la rentrée littéraire qui devraient sortir du (f)lot!!
IL DOIT, même!

De Delphine BERTHOLON j’avais beaucoup aimé GRACE (sorti en Livre de Poche, je vous le conseille) et l’Effet Larsen (je n’ai pas – encore – lu Twist, mais je vais le faire…).
Delphine BERTHOLON a une écriture reconnaissable, qui fait mouche, me plaît, me parle, mais je ne savais rien de ce roman, et j’ai, pour une fois, accepté de me laisser surprendre sans avoir ne serait ce que lu la 4ème de couv’.
Dès la première ligne, je me suis retrouvée plongée dans l’univers de ces deux sœurs, si différentes, au passé qui pèse pèse pèse, et aux souffrances exprimées différemment…
Certains passages rappellent des thèmes chers à Delphine Bertholon, le drame familial, la mort, l’absence, le secret…

Avec sobriété, la folie, le mensonge, l’emprise d’une sœur aînée sur sa fragile cadette, la solitude, la dépression, l’isolement, sont abordées sans que cela ne soit autrement qu’émouvant.
On s’attache à ces sœurs aux caractères si opposés, on les suit sans pouvoir lâcher le livre, voulant alternativement protéger l’une, secouer l’autre…
Les émotions se mêlent à chaque page.
Les sensations, les odeurs, sont précises.
Le temps s’écoule, lentement, le passé reste et entrave chacune à sa manière.
L’atmosphère est lourde, elle colle, l’ironie n’est pas en reste…
Jusqu’à… Jusqu’à un évènement en forme de renouveau, des barrières qui s’écroulent, le champ des possibles qui s’offre à des chaussures dorées à talons, symboles d’émancipation….
Et ce titre… C’est fou ce qu’un titre peut apporter à une oeuvre comme dimension, aussi… Il aurait pu s’appeler « Deux sœurs » et il aurait peut être perdu un peu de poésie et de douceur.
J’ai refermé ce livre avec la sensation que l’on venait de me faire un shampoing mentholé, voyez?

« Quand sa sœur lui fait ce genre de confidences, la petite ferme ses oreilles. Elle s’enfuit dans sa tête, construit des palissades, planche après planche, elle ponce, cloue, peint, jusqu’à ce que sa tête ressemble à une cabine de plage »

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