Les derniers jours du Condor

traduit de l'anglais par Hubert Tézenas
Rivages
septembre 2015
428 p.  9 €
ebook avec DRM 8,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Le retour du Condor

Il y a des écrivains à qui un succès trop vite acquis coupe les ailes. Best-seller à 25 ans avec « Les six jours du Condor », aussitôt porté à l’écran par Sydney Pollack (« Les trois jours du Condor », 1975), James Grady a continué à planer. Prenant le temps de se renouveler, il a publié en quarante ans une dizaine de bons polars ou thrillers d’espionnage qui lui ont maintenu l’estime du public et de ses pairs. En France, où tous n’ont pas été traduits, on en était resté à « Mad dogs », une variante parodique et rock’n roll du genre, où cinq anciens de la CIA un peu timbrés, accusés à tort de meurtre, s’évadent de l’asile où leur employeur les a bouclés. Aujourd’hui, « Les derniers jours du Condor » vient boucler la boucle entre son tout premier roman et le dernier.

Condor est ce maître-espion, auquel Robert Redford a prêté ses traits, qui survivait à un complot contre son officine de renseignement clandestine. A travers lui, l’auteur, journaliste et militant engagé à gauche, dénonçait alors, quarante ans avant le scandale de la NSA, les méthodes de certains agents du gouvernement. Depuis, Condor a vieilli et pris des coups. Mis sur la touche dans un emploi de complaisance, assommé par la camisole chimique que lui impose l’Agence, il a même oublié pourquoi on l’a éjecté du système. Jusqu’au jour où l’on assassine chez lui l’un des fonctionnaires chargés de son contrôle de routine.

Le vieil espion émerge de son brouillard d’anti-dépresseurs et retrouve ses réflexes : il exhume un nécessaire d’urgence et, d’instinct, prend la fuite. Ce monde-là, où chaque agent est surveillé au quotidien par ses collègues, est désespérement étriqué. Condor se terre donc dans Washington mais n’en sort jamais. Lorsqu’il reçoit enfin du renfort, la traque vire au huis-clos. Au travers de cette cavale minimaliste, James Grady dépeint un univers où dominent la paranoïa et l’obsession de l’échec, une annexe du pouvoir que personne ne semble commander, une machine folle sans honneur et sans règles.

Difficile d’en dire davantage sans gâcher le plaisir de lecture de ces « derniers jours ». La confrontation entre la veille et la jeune garde de la CIA se révèle pleine de sens et captivante… Jusqu’à un certain point seulement. Au terme de ce suspense psychologique sur le fil du rasoir, la clef de l’énigme peut sembler un peu grosse et le tableau d’ensemble assez excessif. A moins qu’une fois encore, Condor n’ait vu juste avec quarante ans d’avance.

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