Comme les amours
Javier Marías

Traduit par Anne-Marie Jainet
Gallimard
août 2013
372 p.  22,50 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Lire l’avis de Marie-Laure Delorme (le JDD), l’une de nos « critiques invités »

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Alambiqué

Comme tous les matins, de la terrasse d’un café, une éditrice de Madrid observe, fascinée, un couple d’amoureux.  Visiblement mariés, l’homme et la femme partagent sans ostentation ni exhibitionnisme des sentiments profonds que la vie commune n’a pas altérés. Maria Dolz pense avoir découvert en eux « Le Couple Parfait ».

De retour de voyage, la jeune femme ne retrouve pas ceux qui enchantent depuis tant d’années sa matinée. En fait l’homme, Miguel Desvern ou Deverne, a été mortellement frappé par un fou d’une quinzaine de coups de couteau.  Profondément touchée par ce drame inexplicable et inexpliqué, Maria  se rapproche de la veuve de Miguel, Luisa Alday et fait la connaissance des intimes du couple dont le très séduisant et bien mystérieux Javier Diaz-Varela avec lequel elle entame une liaison.
Mais qui est vraiment Diaz-Varela qui se revendique le meilleur ami du défunt ? Un ami véritable ou bien l’amoureux non déclaré de Luisa qui, maintenant que la place est libre, tente sa chance ? Plus explicitement, bien qu’absent de Madrid le jour du meurtre, n’aurait-il pas ourdi l’assassinat de Miguel ? Déchirée, Maria se  trouve au cœur d’un imbroglio amoureux dans lequel les protagonistes ne sont pas tous ce qu’ils prétendent être.

« Comme les amours » débute comme un thriller, ressemble à un thriller mais n’est pas un thriller. S’il y a mort violente dans les toutes premières pages du roman, cette disparition n’est que le prétexte pour Javier Marias de disséquer les relations amoureuses, leurs enjeux, leurs complexités. Maria  la narratrice mêle dans une sorte de monologue intérieur, action, pensées, sentiments, ce qui aurait pu se produire et ce qui n’est pas arrivé. De digressions en dissertations, l’intrigue se dilue dans un océan de considérations dans lequel sont convoqués Shakespeare et « Le Colonel Chabert » de Balzac.  Etourdi, le lecteur finit par perdre le fil et tout intérêt à cette histoire servie certes par une plume brillante, mais tellement alambiquée.

Lire également l’avis de Marie-Laure Delorme (beaucoup plus enthousiaste !)

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 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Quand l’amour et la mort s’emmêlent

Par accoutumance, Maria prend chaque jour son petit-déjeuner dans un café, tout proche de la maison d’édition où elle travaille. Ce moment-là, la jeune madrilène ne le manquerait pour rien au monde. Elle y puise un souffle qui l’accompagnera tout au long de sa journée. La réservée et mesurée Maria passe ce temps à observer ou plutôt contempler un homme et une femme qui s’installent non loin d’elle, quotidiennement. Ce couple parfait, comme elle le nomme, la fascine. Leur amour est tellement palpable qu’il irradie jusqu’à elle. Ainsi, chaque matin, Maria prend une bouffée de ce bonheur, par procuration.
Mais voilà que le rituel se brise. Les chaises où le couple avait l’habitude de s’asseoir restent désespérément vides. De longues semaines sans leur présence. Puis, Maria apprend enfin l’origine de cette absence : l’homme, Miguel, s’est fait poignarder le jour de ses cinquante ans par un déséquilibré.
Sa veuve, Louisa, réapparaît enfin. Maria ose l’aborder. Les deux femmes vont alors au domicile de Louisa et s’entretiennent longuement. Durant leur discussion, un homme, Diaz-Varela, le meilleur ami de Miguel qui veille désormais sur Louisa fait irruption. Maria tombe amoureuse de lui. S’en suivra une liaison dont elle n’a rien à attendre, ce dernier aimant passionnément Louisa.
La prose de Javier Marias est remarquable et son intrigue à mi-chemin entre le roman policier et le roman psychologique est subtilement élaborée. De réflexions en analyses, d’hypothèses en faits, de digressions en révélations, il promène le lecteur au fil des pages sur d’innombrables chemins. Le récit est sciemment lent puisque l’auteur part en exploration, il prospecte l’âme humaine, la sonde.
Il est évidemment question de la mort, du deuil, mais surtout de l’amour qui lui subsiste ou pas… de l’absence de la personne aimée, de la notion de temps, de l’amité, de la trahison, de la passion, de la reconstruction, de l’oubli, de la mémoire, de la manipulation, du doute, autant de sujets abordés qui assaillent le lecteur de toute part avec une justesse dans les mots et dans le ton.
Judicieusement, Javier Marias propose des points de vue très personnels sur le roman de Balzac Le Colonel Chabert, sur Les Trois mousquetaires de Dumas et sur MacBeth de Shakespeare, illustrant différents aspects de la mort, du crime, du remords, de l’absurdité et de l’égarement de l’esprit.
Un roman épatant où les idées foisonnent, l’ironie s’insinue, la poésie s’invite, le style percute, les sentiments se confondent et les zones d’ombre planent. Une histoire captivante qui nous entraîne dans un enchevêtrement de questionnements sur l’amour et la mort.
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