Peur
Dirk Kurbjuweit

traduit de l'allemand par Denis Michelis
LGF
février 2018
288 p.  7,40 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Jusqu’où aller ?

Le narrateur, époux de Rebecca et bon père de Fee et Paul, explique comment son propre père en est arrivé à tirer sur un homme. Au départ, Dieter Tiberius est juste un voisin un peu trop envahissant. Puis il s’immisce de plus en plus dans le quotidien de la famille, dérangeant Rebecca à tout propos, lui écrivant des poèmes amoureux, observant et commentant (également) les moindres faits et gestes de ses voisins du dessus. Le narrateur tente, dans un premier temps, de mettre fin à ce qu’il considère n’être qu’un conflit de voisinage. Mais quelque chose de plus pervers, de plus asphyxiant est déjà installé. Ni les policiers qu’il contacte, ni son avocat ne peuvent l’aider : la justice est impuissante face à ce type de comportement intrusif « tant qu’il n’y a ni violence, ni flagrant-délit… juste interprétation ». Quand les rumeurs que Tiberius propage dans le quartier portent sur des allégations de probables abus sexuels sur leurs enfants, le narrateur ne voit plus que l’auto-défense pour mettre un terme à ce harcèlement. Toute cette histoire, Dirk l’a vécue et s’en est inspiré pour partager ces réflexions : jusqu’où aller pour protéger les siens ? Quand la justice et la loi s’avèrent impuissantes, l’auto-défense est-elle la seule réponse ? Comment lutter contre les insinuations, contre ses propres pensées : « Je sais bien que le monde ne se résume pas à ce que nous voyons ou entendons (…) En notre absence, tout devient possible : la trahison, l’infamie, le crime –et même les violences sur enfant », constate le narrateur même s’il essaie de s’en défendre. « Quand Dieter Tiberius s’est employé à détruire notre famille, elle l’était déjà en partie. Ça aussi, c’est dur à admettre », le narrateur en convient, la méfiance, le doute, les soupçons s’imposent plus facilement quand les liens du couple sont délités.

Cette deuxième fiction publiée par les éditions Delcourt, signée du rédacteur en chef de « Der Spiegel », s’inspire d’une expérience personnelle que l’auteur aurait bien aimé ne pas vivre. Le livre n’en est que plus saisissant.

 

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