Swoosh
Lloyd Hefner

traduit de l'anglais par Frédéric Roux
TohuBohu Editions
tohu bohu
janvier 2017
360 p.  20 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

New York sous amphétamines

Dans les années 90, Sadie « Jackson » French est dealeuse à Manhattan, et étudiante en sciences éco. Elle y vit avec Dwight « Ike » Hutchinson, un black monumental, qui se carbonise aux anabolisants pour devenir le prochain Monsieur Muscle. Ils vivent ensemble mais ne couchent pas, nuance… ils sont amis, c’est tout. L’un et l’autre sont noirs et cherchent à oublier des enfances tumultueuses dans le New Jersey pour se faire une place à New York. Ces deux-là veulent s’en sortir et s’y emploient, quand soudain Lafayette, jeune frère de Ike, est retrouvé mort, une seringue dans le bras. Overdose ? Apparemment ; mais Ike et Sadie vont mener l’enquête, aidés en cela par deux frères de Ike, l’un catcheur, l’autre travelo, des trompe-la-mort armés de bazookas…

Un New York de Pulp Fiction
Hefner brode sur ce scénario de BD, titrant ses chapitres avec des standards de l’époque – de Marvin Gaye à Diana Ross, en passant par Leonard Cohen –, et invitant à danser la typo de son livre en l’enrichissant de caractères gras qui en soulignent les nombreuses onomatopées (Swoosh, par exemple, est le bruit que fait un sexe masculin lorsqu’on le tranche !) On a compris que les scènes trash abondent dans un New York de pulp fiction, épileptique et abandonné à la fièvre mercantile des marques en tout genre, car Ike et Sadie sont de frénétiques consommateurs. Leurs investigations les conduiront dans une secte de fous furieux, puis dans le monde de l’art contemporain, le tout sur un tempo de « Conjuration des imbéciles », traversé par des dingos sadiques à la Bret Easton Ellis.

Mais qui est donc ce Lloyd Hefner ?
J’ignore tout de ce Lloyd Hefner, parfait inconnu de Yahoo et autre Google. « Swoosh » est le développement romancé des prises de position sur l’art et le design que le traducteur du livre, Frédéric Roux, a déjà exposé dans quelques vigoureux manifestes et libelles anciens, comme « Introduction à l’esthétique » (L’Harmattan) et « Eloge du mauvais goût » (Le Rocher). D’autre part, on se souvient que Roux créa et anima dans les années 70 le mouvement de contestation esthétique « Présence Panchounette » qui, à sa façon, marqua son temps. Notons aussi qu’il fut boxeur, comme Lloyd Hefner le serait, si l’on en croit l’improbable biographie que lui consacre l’éditeur. Bref, Hefner ressemble tellement à son traducteur qu’on en vient à se demander s’il n’en est pas tout bonnement son masque… Et si Roux, alors, était le nègre d’un Hefner inexistant ? Mais ne boudons surtout pas notre plaisir, « Swoosh » se distingue en ce qu’il enregistre, comme bien peu d’autres romans avant lui, l’électrocardiogramme d’un New York sous amphétamines. C’est la ville, nerfs à vif, qui est l’héroïne de ce livre. Elle pulse dans ses pages, y pétarade comme jamais.

 

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