Braves gens du Purgatoire
Pierre Pelot

Héloïse d'Ormesson
janvier 2019
507 p.  22 €
ebook avec DRM 16,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Quelqu’un un jour a dit que le Sud se caractérisait avant tout par sa lumière. Je dirais que l’écriture de Pierre Pelot se caractérise avant tout par un style de phrasé qui n’appartient (presque) qu’à lui. A la fois alambiqué avec des structures de phrases à rallonge et rebondissements, à imbrications et digressions et en même temps limpide. A la fois détaillé et poétique.

Si Pierre Pelot devait décrire une pièce dans laquelle une vingtaine de personnes parleraient, mangeraient, boiraient, bougeraient, on observerait chaque détail. Non seulement on saurait ce que dirait, ce que mangerait, ce que boirait, ce que ferait chaque personnage, mais on visualiserait aussi les mouvements de chaque bulle de champagne, de chaque glaçon dans chaque verre de whisky, on observerait chaque bâillement, chaque éternuement, on verrait voler chaque mouche, chaque insecte présent dans la pièce, chaque grain de poussière invisible à l’œil nu mais qui chez Pierre Pelot prendrait corps et vie sous nos yeux. On aurait grâce à lui une vision tout à la fois périphérique et générique de la scène et une vision précise et d’une acuité microscopique de la même scène.

Outre ce talent littéraire tout à fait hors norme, que j’ai rarement rencontré mais ai-je suffisamment lu ?, Pierre Pelot maîtrise sa narration. On a souvent l’impression que les écrivains s’amusent à démêler des pelotes de laine faites de plusieurs fils de laine. Chez Pierre Pelot, il n’y a au départ qu’un seul fil formant la pelote. Mais ce fil en appelle d’autres, issus des fibres mêmes de ce fil initial, comme si un récit en appelait un autre, comme si le narrateur passait sa loupe grossissante sur ce fil ou ce récit pour en extraire d’autres, des histoires dans l’histoire, qui viennent expliquer et éclairer d’une nouvelle lumière les situations dans lesquelles ses personnages sont plongées.

Pierre Pelot part de l’assassinat d’Adelin et Pauline maquillé en meurtre familial et en suicide. Laurena, la petite-fille, tout comme les autres habitants du patelin local, ne se satisfait pas de ce point de vue policier. Grâce à sa famille et malgré elle aussi, elle va extirper la vérité de l’histoire familiale qui semble être comme une chape de plomb sur cette vallée reculée, qui semble être l’histoire de cette vallée reculée. Chaque famille est liée aux autres, comme si tout était relié à des ancêtres communs.

Pierre Pelot, au-delà de son sens de la narration, y adjoint une écriture de dialogues qui puisent, dans l’ellipse et les non-dits, toute leur force. Surtout les non-dits, les phrases inachevées qui n’empêchent pas, au contraire, de faire avancer l’histoire.

Bref, ces braves gens du village de Purgatoire y sont en plein dedans, à la recherche d’une rédemption qui passe par la confrontation avec leur passé et celui de leurs ancêtres. Le Purgatoire a la fonction spécifique de permettre l’expiation, la réflexion et la repentance. Pierre Pelot, tel un Dante moderne, nous y entraîne à la suite de ses personnages.

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