critique de "Brillante", dernier livre de Stéphanie Dupays - onlalu
   
 
 
 
 

Brillante
Stéphanie Dupays

Mercure de France
janvier 2016
185 p.  17 €
ebook avec DRM 11,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
nuit blanche

Brillante… si on vous le dit!

«Ils ont à peine vingt-cinq ans et le monde leur appartient.» Il est ici question des jeunes diplômés de «l’École», ceux que la caricature dépeint comme des «jeunes loups aux dents longues» ou encore comme des «cadres aussi ambitieux que dynamiques». Et si chaque année des milliers de ces spécimens envahissent le marché du travail, il est rare de trouver des romans qui les mettent en scène. Voilà le premier bon point à décerner à Stéphanie Dupays. Si elle a choisi un milieu qu’elle connaît bien pour son premier roman, elle n’a pas pour autant choisi la facilité. Au sein de Nutribel – disons qu’il s’agit d’une multinationale qui s’apparente à Danone – les conflits se jouent à fleurets mouchetés, les attaques sont plus allusives que frontales et les luttes d’ego, forcément surdimensionnés, se mènent grâce à des intermédiaires qui, la plupart du temps, ne savent pas quel rôle pervers ils jouent. En mettant Claire en scène au moment où elle est en train de gravir alertement les échelons d’une carrière – forcément – brillante, l’auteur s’inscrit dans un registre classique, mais ô combien efficace, celui qui va nous offrir la grandeur, puis la décadence du héros. La grandeur, c’est cette soirée organisée au Centre Pompidou, privatisé pour l’occasion, durant laquelle Claire se verra adoubée par l’un des grands patrons et pourra rêver de gérer un nouveau grand projet. Comme son ami Antonin, trader sur la marché des métaux, partage cette ambition professionnelle, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. «Claire et Antonin travaillent beaucoup ; ils se voient comme deux randonneurs de haute altitude. Ils perçoivent leur milieu professionnel respectif comme un Everest qu’on ne gravit pas sans effort. Il faut du souffle, de l’endurance, de la technique, et cette volonté de continuer même les jours où la fatigue vous envahit et qu’il serait si tentant de sortir tôt du bureau, de couper son téléphone pour siroter un cocktail en terrasse. Évidemment, l’effort offre quelques gratifications. Le trading de métaux conduit Antonin aux quatre coins du monde. Lorsque la destination est à quelques heures de vol de Paris, Claire le rejoint le week-end dans un hôtel cinq étoiles aux peignoirs moelleux et aux vues panoramiques. Ce soir, c’est la privatisation du musée qui récompense les salariés de Nutribel de leur jeunesse sacrifiée à l’essor de l’entreprise.» Mais voilà qu’arrive un premier coup de semonce. En remplaçant avec une belle maîtrise sa supérieure hiérarchique, qui doit jongler entre vie de famille et vie professionnelle, elle ne voit pas combien ce succès peut mettre en péril cette femme qui jusque là était son alliée. Avec beaucoup de subtilité, Stéphanie Dupays nous montre comment petit à petit, le couple se construit un univers déconnecté des vraies valeurs, plaquant sur sa vie privée les règles de l’entreprise. La rencontre des parents de Claire et ceux d’Antonin lors d’un dîner en est l’illustration féroce et éclairante. «Claire guide ses parents dans l’appartement, partagée entre la fierté de montrer son premier chez-soi et le souci de ne pas accentuer la distance qui s’agrandit entre elle et ses parents. « C’est beau, ces moulures. Mais, vous ne comptez pas tapisser, tous ces murs blancs, c’est un peu triste comme couleur ? » Claire repense au papier peint à grosses fleurs qui habille les murs de la maison d’Agen. « Peut-être plus tard, mais pour l’instant, on aime bien que ça reste épuré. » Claire range les manteaux dans le dressing. « De mon temps, on disait une penderie. — Oui, maman, mais un dressing est plus grand. Et là c’est la cuisine. — Ah, vous avez une machine à espresso ! » Ils passent au salon. « Tout de même, c’est vraiment un bel appartement, vous en avez de la chance, un si bel appartement à votre âge. — Enfin, quand même, si vous changez d’avis pour la tapisserie, je peux vous aider si vous avez besoin d’un coup de main. » Claire laisse Antonin décliner l’offre et part à la cuisine chercher les mignardises pour l’apéritif. À son retour, ses parents, assis sur le canapé, fixent d’un air aussi curieux qu’interloqué le catalogue de l’expo Helmut Newton au Grand Palais.» Retournant au bureau, sa patronne l’évite. Mieux, elle lui présente une nouvelle collègue chargée de la délester du projet qu’elle a en charge, afin qu’elle puisse se conacrer pleinement à sa nouvelle mission qui a tout… d’une mise au placard de première classe. Après le déni vient l’incompréhension, puis les tensions. Comment expliquer ce drame à Antonin ? Comment les amis vont-ils réagir ? À qui se confier ? À sa sœur Juliette qui ne goûte pas vraiment ce milieu d’arrivistes ? Peut-être. Mais n’en dévoilons pas davantage, avec de laisser au lecteur le plaisir d’un épilogue inattendu, voire déroutant. Voilà un premier roman qui frappe fort et juste et qu’il ne faut pas réserver aux jeunes diplômés avides de grimper les échelons – même s’il pourrait leur éviter bien des déconvenues – mais à tous ceux qui entendent comprendre quelles sont les us et coutumes au sein des ténors du CAC 40. Sur l’air «un univers impitoya-a-a-ble» !

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coup de coeur

Réussir, dit-elle…

Brillante, c’est le titre du livre mais c’est également l’adjectif que l’on peut accoler à la démonstration de Stéphanie Dupays. Brillante et glaçante à la fois. Une démonstration que son héroïne, Claire, reine du Power Point et du marketing n’aurait pas reniée. Sauf que dans le livre, le produit, c’est elle. Jeune trentenaire, Claire affiche en vitrine tous les attributs de la réussite. Le couple qu’elle forme avec Antonin frise la perfection, lui trader qui cumule les succès et les bonus, elle cadre marketing en pleine trajectoire ascendante chez Nutribel, leader de l’industrie agro-alimentaire. Mais attention, Claire a beaucoup travaillé pour en arriver là. Elle s’est conformée à tous les codes imposés, a soigneusement choisi ses options et ses relations, n’a rien laissé au hasard. Autour d’elle ne gravitent que des gens qui lui ressemblent. Tout un petit monde qui se met en scène et ne s’évalue qu’à l’aune de sa réussite professionnelle. L’Ecole dont ils sortent tous les a formés à devenir des winners, des leaders. Mais elle ne les a pas préparés à tout. Et il suffit de peu de choses pour enrayer la belle mécanique. La jalousie d’une chef qui voit soudain sa collaboratrice briller un peu plus qu’elle par exemple. Et s’attache désormais à l’écarter de tout projet intéressant. Claire est désemparée, absolument pas armée pour gérer ce type de situation. Reconnaître sa mise à l’écart ce serait en quelque sorte avouer un échec. Impardonnable. Stéphanie Dupays montre parfaitement la solitude de Claire au milieu du cercle artificiel dans lequel elle gravite. En entreprise, on a vite fait de se détourner de celui ou celle qui tombe en disgrâce. On ne sait jamais, ça pourrait devenir contagieux. Les discours sur l’importance du capital humain ou le bien-être au travail sont bien vite oubliés d’ailleurs, on n’est pas dupe, ils restent à l’état de discours. L’auteure est très convaincante dans son descriptif de l’aliénation du cadre à son entreprise, un véritable marché de dupe. Claire va-t-elle profiter de cet épisode pour ouvrir les yeux ? Rien n’est moins sûr… « Nutribel ne se contentait pas d’attirer les meilleurs salariés par des gratifications financières. L’entreprise avait compris que le lien le plus fort n’est pas pécuniaire, il est affectif. Nutribel offrait plus que de l’argent à ses salariés. Elle leur offrait une identité. En échange de leur force de travail, elle les boostait à la reconnaissance. » Stéphanie Dupays connaît sur le bout des doigts les concepts et les codes du marketing, qu’ils soient appliqués aux produits ou aux ressources humaines, et elle en joue très bien. Ceux qui naviguent professionnellement dans ces sphères ne seront pas dépaysés. Mais là où elle emporte vraiment le morceau c’est en montrant à quel point Claire n’a pas le choix face aux diktats qui ont guidé sa construction. A moins de consentir à passer définitivement dans le camp des « loosers »… Un premier roman magistral, qui appuie avec justesse là où ça fait mal et qui risque tout de même de vous donner envie de réfléchir à la notion de réussite. Un régal !

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coup de coeur

Brillant premier roman

Le pitch m’a interpellée dès le départ. « Brillante » c’est l’histoire de Claire une jeune femme qui veut réussir sa vie professionnelle et privée et qui est confrontée à la dureté de l’entreprise. Beau diplôme, CDI dans une grande entreprise, conjoint trader, amis sur le même modèle, tout va bien pour Claire jusqu’au jour où sa chef Corinne la met à l’écart. D’abord Claire refuse de comprendre ce qui lui arrive et fait semblant d’être toujours débordée. Dans ce milieu où la réussite conditionne toutes les relations, Claire a beau avoir tout, le jour où elle se trouve en difficulté, elle est seule, elle n’ose en parler à son conjoint ni à ses amis (mais ses « camarades de promo » en sont-ils vraiment ? ) Alors elle se remet en question, perd pied, s’interroge…Mais peut-elle vraiment changer de vie ? « Brillante » se lit comme un thriller. L’écriture de Stéphanie Dupays est rythmée, extrêmement précise et toujours juste. Elle donne envie de lire une page de plus puis encore une autre et on finit par lire le roman en entier, d’une seule traite. C’est à la fois drôle (l’auteur a le sens de la formule qui tue) et glaçant car le portrait qu’elle dresse de cet univers où seules comptent les apparences et où les gens se vendent comme des produits dans leur professionnelle mais aussi privée est très cruel. Si le personnage est lointain au début, très vite on s’identifie à elle quand elle révèle ses faiblesses. Et le livre devient alors un miroir qui interroge le lecteur sur son propre rapport au travail, sur la vie qu’il veut vraiment, mais aussi sur les relations humaines. La presse et la blogosphère ont beaucoup parlé de ce premier roman et c’est justifié, car c’est une lecture agréable et qui fait réfléchir.

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