La fille du van
Ludovic Ninet

serge safran
litterature
aout 2017
 17,90 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Pour se reconstruire.

Sonja, était infirmière militaire. En Afghanistan, elle s’est battu contre l’horreur du quotidien, elle a serré les dents pour ne pas hurler, pour soigner, pour sauver. Elle a tenu le coup, courageusement, jour après jour.
C’est au retour en France que tout a basculé, incapable de surmonter le traumatisme et les cauchemars, Sonja est partie, abandonnant son mari et son enfant.
Au volant de son véhicule elle a roulé, sans but, dans une fuite en avant désespérée, jusqu’à une petite ville du sud de la France ou elle s’est garée, sans véritable raison, mais il faut bien se poser quelque part.
C’est Pierre qui va lui redonner peu à peu, le courage de continuer. La dépression, il connait, après avoir dû renoncer à ses rêves de champion olympique.
Ce roman est fait de belles rencontres comme Sabine et Abbes, eux aussi accidentés de la vie, mais qui s’accrochent à des idéaux qui les aident à avancer.

J’ai tout aimé dans ce roman. Ludovic Ninet nous présente des personnages attachants et profondément humains.
Il réussit parfaitement grâce à une écriture brutale à nous faire comprendre le quotidien des soldats sur le théâtre des opérations.
Il pose la question de la puissance de l’amitié dans une possible reconstruction.
« La fille du van » est un grand livre qui parle avec simplicité des gens et des rapports qu’ils nouent entre eux, de la façon dont ils se sauvent les uns les autres et se sauvent eux-mêmes.
Un coup de cœur.

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coup de coeur nuit blanche

Gueules cassées

Sonja vit dans son van. Un vieux véhicule tout cabossé comme elle. D’emblée, avec sa « chevelure rousse qui flambe sous la bruine », Pierre est attiré par elle, il conviendrait mieux de dire aimanté « par cet animal nocturne en plein jour, angoissé et sans repères ». Une pancarte autour du cou, elle mendie pour manger, agressive « belle gueule, mais gueule cassée ».
Elle fuit les images, les souvenirs. Mariée, un enfant, elle fuit une première fois parce qu’elle ne supporte pas le naufrage de son mariage, son amour finissant, son mari qui n’a jamais travaillé, ne plus lutter seule pour faire tourner la famille, payer les traites. Elle s’engage en tant qu’infirmière, c’est son métier, en Afghanistan. Elle a vu beaucoup de ses compagnons mourir dans une embuscade où elle a côtoyé l’horreur. De retour en France, le stress post-traumatique lui donne des hallucinations, elle ne supporte même plus son fils et fuit une fois de plus pour ne pas imposer ses délires à sa famille. Dans son van, elle se bourre de comprimés de Lexomil arrosés d’alcool ; ainsi, elle peut pendant quelques heures, chasser les images qui la hantent.
« Une fusillade la réveille.
Elle sursaute, ça tire, ça canarde, elle cille pour émerger et déjà sa bouche colle, c’est la nuit, Sonja, comme toujours les insurgés attaquent la nuit. Elle cherche les balles traçantes mais n’en voit aucune, craint les impacts de roquettes, retient son souffle, d’où tirent-ils, les ordures ? Nouvelle rafale. Elle plaque les mains sur ses oreilles, va pour s’allonger sur la banquette ou mieux, se blottir contre les pédales. Mais elle entend des rires. Pas des cris, des rires, des rires d’enfants. Elle se redresse, risque un regard circulaire. Jamais les enfants ne riaient pendant que ça tirait.
Il ne pleut plus. Elle reconnait l’étang de Thau. Elle aperçoit, au bord de l’eau, un groupe de jeunes adolescents qui font exploser des pétards. On est samedi soit.
Quelle conne.
Elle se gifle. Quelle conne tu fais, répète-t-elle, elle tremble encore, ne se pardonne plus, ne se supporte plus. »
Un grand résumé de sa vie actuelle, son incapacité à revenir à sa vie d’avant, d’avant la guerre, les morts, les fusillades, à ne pas revivre les images de morts et de mutilés.
Pierre, ce colosse aux pieds d’argile fut champion du monde de saut à la perche. Il a côtoyé les anges et la chute fut dure. « Après la médaille d’or ? C’est la fin du voyage. Il y a le grand saut. Puis tu retombes. Et ça peut faire très mal… Je suis aspiré vers le haut mais dessous je sais qu’il y a le vide. »
C’est sur cette même plage qu’elle rencontre Sabine, ancienne comédienne, devenue caissière dans un supermarché. Grâce à elle, elle a un job de manutentionnaire Ah ! Sabine et sa solitude, sa soif de l’amour d’une autre. Elle ne peut enfermer la sauvage Sonja, mais sera toujours là pour elle, se tisse entre elles un lien mi amical mi-amoureux

N’oublions pas Abbes et ses cicatrices jamais entièrement refermées de fils de harki. Il a subi jusqu’à se rebeller et faire plusieurs détour par la case prison.
Ils se soutiennent, évitent de peu des naufrages, espèrent encore et toujours, même Pierre y a cru un instant. Pourtant, les mots ne sortent pas ou difficilement, il y a encore et toujours la détresse, la solitude, le passé, les blessures, ce qu’ils voudraient oublier. Malgré cela ils avancent et de la mort jaillit la vie.
Tout ceci pourrait n’être qu’un mélo, mais Ludovic Ninet ne s’est pas achoppé à cet écueil. Son écriture est dense, ses phrases sonnent juste, alternant atrocité, sensualité, tragique, douceur, espoir et beauté. Une écriture sans fioriture, journalistique (métier de Ludovic Ninet) pour parler des cauchemars de Sonja
Un premier roman époustouflant où Ludovic Ninet sonde l’intime de ces survivants de leurs passés.qui ne se laisse pas oublier. Une superbe chronique sur des gueules cassées qui essaient grâce à l’amitié et l’amour de fendre l’armure de mort-vivant pour essayer tout simplement de vivre.
Un nouveau petit bijou des Editions Serge Safran et un coup de cœur pour moi.

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